20 Minutes (Lyon)

Les luttes sociales souvent zappées par le ciné

Les films français évoquent rarement le sujet des luttes sociales

- Benjamin Chapon

Alors que les Français suivent avec attention l’évolution du mouvement de grève à la SNCF, le cinéma français n’a toujours pas traité les grandes grèves de 1995. Quasiment aucun film, à part quelques courts-métrages ou documentai­res, ne couvre le sujet. D’ailleurs, ni les grèves en général ni les mouvements sociaux n’inspirent les cinéastes.

« Un regard réactionna­ire »

« Dans le cinéma français, une grève est au mieux un prétexte, au pire un décor », se lamente Christophe Jean-Pierre, professeur d’histoire du cinéma à l’université de Bordeaux. Le spécialist­e cite des comédies comme Le bonheur est dans le pré (1995) ou Potiche (2010) qui mettent en scène des grèves dans des usines familiales. « Ce sont des comédies de moeurs où la grève est vue comme quelque chose de sympathiqu­e, mais sans approche sociologiq­ue. » Pour trouver trace d’un film français traitant de manière plus centrale des grèves, il faut creuser. « Dans Par suite d’un arrêt de travail (2008], Charles Berling et Patrick Timsit sont contraints de covoiturer à cause d’une grève. Mais ce n’est pas un film social, c’est une comédie vaguement sociologiq­ue. La grève sert à dévoiler des personnage­s, pas à aborder une réalité. » Pour Christophe Jean-Pierre, les cinéastes français auraient beaucoup à apprendre, sur le sujet, auprès de leurs confrères britanniqu­es. « Audelà de Ken Loach, toute une galaxie de films sociaux, notamment des comédies, embrassent ces thématique­s de manière intelligen­te comme Pride [2014], Billy Elliot [2000] ou We Want Sex Equality [2010]. »

Les mouvements sociaux ont, selon l’historien du cinéma, toujours servi « à porter des discours politiques. En ne faisant des grèves qu’un élément mineur de leurs scénarios, les cinéastes français portent un regard réactionna­ire sur la lutte sociale. » Christophe Jean-Pierre cite un film de Claire Denis, Vendredi soir (2002), avec Valérie Lemercier et Vincent Lindon. « La grève sert de décor à une rencontre amoureuse. L’appel à la solidarité sert à aborder la misère sentimenta­le des personnage­s, et pas la misère sociale. Un cinéaste anglais aurait sans doute réussi à traiter les deux. »

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Charles Berling dans Par suite d’un arrêt de travail (2008).

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