L’acharné Gailhaguet
Malgré les accusations d’agressions sexuelles commises dans le patinage, le patron de la Fédération des sports de glace s’accroche à son poste.
Deux ans après avoir enquêté sur la pédophilie dans l’Eglise, les journalistes lyonnais Mathieu Martinière et Daphné Gastaldi ont poursuivi en 2019 leur travail dans le monde du sport (lire p. 16). Après avoir publié en décembre « Le Revers de la médaille » pour Disclose, ils se confient à 20 Minutes sur les points communs entre Eglise et sport au sujet des agressions sexuelles.
Quel parallèle faites-vous entre votre enquête dans l’Eglise et celle sur le sport ?
Mathieu Martinière : Dans des villages, un entraîneur charismatique pouvait même être le maire. Sur le phénomène d’emprise, il peut aussi y avoir un parallèle entre le prêtre et l’entraîneur. L’entraîneur peut devenir un deuxième père, et même si on n’est ici pas dans la foi, l’enfant et sa famille peuvent idolâtrer l’entraîneur. Daphné Gastaldi : La manière avec laquelle un club défend son image et son fonctionnement m’a marquée. Des clubs annoncent clairement qu’en parlant d’affaires de pédophilie, ils ont peur de perdre des licenciés, mais aussi des subventions liées à des bons résultats obtenus avec un entraîneur.
Est-il plus dur pour les victimes de parler face au monde de l’Eglise ou du sport ?
M.M. : Dans les deux cas, on est face à des institutions puissantes pour des raisons différentes. Dans le cas de l’Eglise, c’est lié à la foi, et on ne veut pas se mettre à dos un prêtre, un évêque et toute une communauté. Et dans le sport, on peut avoir des ambitions, les places y sont chères.
D.G. : On peut rêver des JO, l’entraîneur est idolâtré, car il a remporté des compétitions. C’est aussi une foi quelque part, on parle de la religion du sport. Dans le roller artistique, l’entraîneur Arnaud Mercier a été condamné il y a quelques mois. L’avocate d’une des victimes expliquait : « C’était le pape du roller artistique ». Cette phrase veut tout dire, elle montre l’aura et l’emprise psychologique qu’il pouvait avoir. Il avait un côté sacré et intouchable. M. M : On a vu avec Adèle Haenel dans le cinéma à quel point il est dur de révéler des violences sexuelles dans tous les domaines. Pour que les victimes sortent du bois, il faut de grosses médiatisations type #MeToo.
Quelles sont les conséquences un mois après la sortie de votre enquête ?
D.G. : La conséquence la plus importante, c’est la création d’une cellule au ministère des Sports. Trois personnes seraient missionnées à temps plein pour enquêter sur les 77 affaires sorties par Disclose et pour lancer des enquêtes administratives. Dans les affaires, des commissions de disciplines sont en train d’instruire des dossiers qu’on a révélés et il va y avoir des sanctions. Un entraîneur de judo s’est vu retirer une distinction. La parole se libère.
Propos recueillis par Jérémy Laugier