Un régime autoritaire pour la Terre?
Environnement La Fabrique écologique appelle à renforcer la démocratie pour la transition écologique
« Dictature verte » ou « technocratie éclairée»… La tentation du régime autoritaire revient avec force, alors que s’accumulent les rapports scientifiques répétant l’urgence d’agir. «A l’heure aussi où les démocraties, telles qu’elles se matérialisent aujourd’hui, traversent une importante crise de légitimité», ajoute Lucile Schmid, haut fonctionnaire et vice-présidente du think tank La Fabrique écologique. Mais qu’est-ce qui laisse penser que les régimes autoritaires sont plus à même de répondre aux enjeux environnementaux? C’est la première question que soulève La Fabrique écologique dans une note publiée mercredi et rédigée par un groupe de travail présidé, pendant un an, par Eric Vidalenc, économiste à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
«Des années de déni»
Souvent, la réponse fuse : la Chine et les plans ambitieux qu’elle lance, ces dernières années, dans les énergies renouvelables, la lutte contre la pollution de l’air, la préservation de la biodiversité… Le 20 janvier, Pékin a ouvert aussi, avec fracas, sa chasse au plastique à usage unique. Pourtant, pour
Jean-Paul Maréchal, maître de conférences en sciences économiques à l’université Paris Sud, la Chine est le contreexemple de cette idée qu’une dictature serait plus efficace pour mener à bien la transition écologique. «Pékin agit après des années de déni et, malgré tout, ses émissions de gaz à effet de serre ont augmenté ces dernières années», commence-t-il. Surtout, l’économiste invite à se pencher sur les motivations des autorités chinoises à s’emparer du sujet : « Le pays part de très loin. La pollution de l’air cause 1,6 million de morts chaque année, 20 % des eaux sont impropres à la consommation… Or même une dictature, pour exister, doit s’appuyer sur des groupes sociaux relais. » Notamment la classe moyenne naissante, qui demande à vivre dans un environnement plus sain. Eric Vidalenc rappelle alors le rôle des nombreuses manifestations citoyennes dans la prise en compte par Pékin du fléau des «airpocalypses », « un mécanisme qui relève justement plus de la démocratie ». Sans surprise, pour « gouverner la transition écologique», la note appelle à renforcer la démocratie, notamment en définissant un nouveau projet politique capable de répondre aux enjeux environnementaux. « Il y a un décalage entre l’écologie de l’expertise, portée par les politiques publiques, et l’écologie des initiatives citoyennes, note Lucile Schmid. Elles ne sont pas portées par les mêmes personnes, n’ont pas le même agenda… et donc communiquent mal. »