La compétition, c’est bon aussi pour le moral
Bien-être Les débats sur la reprise des compétitions ont passé sous silence la source de divertissement et d’évasion que le sport représente
Ça commence à faire long… et c’est loin d’être fini. La pandémie de coronavirus a eu raison du sport comme de beaucoup de choses du quotidien, et maintenant qu’il est l’heure de parler reprise, c’est le flou le plus total. Le football français a dit stop pendant que nos voisins, Roland-Garros ou le Tour de France vont tenter de sauver ce qui peut l’être, au moins économiquement. Quitte à en oublier l’essence même du sport, divertir les foules.
Le huis clos mieux que rien
Certes, plusieurs politiques européens, comme le ministre des affaires étrangères britannique Dominic Raab, vantaient la reprise des matchs pour «remonter le moral de la nation». Mais en France, on n’en est pas là. « Le sport ne sera pas prioritaire dans notre société », disait la ministre Roxana Maracineanu le 22 avril à propos du déconfinement. Cela s’entend, évidemment, d’autant que «la place du sport en France a toujours été très mesurée, rappelle Jean-François Lamour, titulaire du portefeuille de 2002 à 2007.Le sport n’est pas perçu comme une donnée fondamentale dans la cohésion de la nation, même si je trouve que ça a changé depuis une vingtaine d’années. »
Pourquoi ? Question de culture, principalement. «Il a longtemps été considéré comme servant des intérêts de la populace qui méritaient le mépris, explique le sociologue Christian Bromberger. Le sport mérite une réévaluation de son statut. Il nous apprend, mieux que la littérature ou le théâtre, ce que sont les conditions de la réussite dans le monde contemporain. Ça nous parle du mérite, du dépassement de soi, de la sociabilité. »
Et il est sans doute le plus grand créateur de sociabilité et d’émotions collectives. Ce qui est encore plus visible au moment où il est justement à l’arrêt. Hervé Mathoux, journaliste pour Canal+, avait fait le tour du monde pour parler ballon afin de réaliser son documentaire «Ce n’est pas grave d’aimer le football». «José Miguel Wisnik [compositeur et essayiste brésilien] y dit que l’existence du foot est une preuve de l’humanité possible. On se rend compte, quand nos divertissements sont stoppés, qu’on n’est pas en danger de mort mais que notre civilisation, elle, est en danger.» Alors la reprise progressive des compétitions sera un marqueur important. Même si le huis clos, dont on craint qu’il doive être la norme pendant encore quelques mois, rend la chose un peu fade, presque dénuée de sens. Ce sera mieux que rien avant que août ou plus tard, on puisse retourner dans les stades. Signe que la vie aura repris son cours.
«Il faut redonner du sport aux Français pour leur procurer du bonheur, conclut Jean-René Bernaudeau, manageur de l’équipe cycliste Direct Total Energie. Un événement comme le Tour est nécessaire pour le lien social et familial. Si le public le réclame, ce n’est pour aucune autre raison que son bonheur personnel. Il demande son plaisir. C’est un acte pur.» Amen.