20 Minutes (Lyon)

«Les policiers ciblent particuliè­rement les minorités»

Pour le sociologue Sebastian Roché, le problème existe en France comme aux Etats-Unis

- Propos recueillis par Thibaut Chevillard

Aux Etats-Unis, la mort de George Floyd a entraîné de nombreuses manifestat­ions contre les brutalités policières et le racisme. Mais, dans de nombreux autres pays, comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France, la police est parfois accusée de cibler davantage les minorités. 20 Minutes a interrogé sur le sujet Sebastian Roché (photo), directeur de recherche au CNRS et auteur du livre De la police en démocratie (éd. Grasset).

Peut-on comparer la situation entre la France et les Etats-Unis sur le plan des violences policières ?

Le nombre de personnes tuées par des policiers aux Etats-Unis est bien plus important qu’en France. Chez nous, ces dernières années, il y a eu entre 15 et 20 cas par an pour 70 millions d’habitants. Aux Etats-Unis, il y en a environ 1 000 pour 320 millions d’habitants. Rapporté à la population, c’est environ douze fois plus. L’écart est énorme. En revanche, il y a de nombreux points communs entre la France et les États-Unis concernant la pratique des contrôles d’identité.

C’est-à-dire ?

En France comme aux Etats-Unis, les policiers vont particuliè­rement cibler les minorités, ce qui n’est pas le cas en Allemagne, par exemple. Or, un contrôle d’identité, c’est une interactio­n avec la police qui peut déraper : des gens peuvent se rebeller, des policiers faire usage de la force, parfois de violence physique.

La police est-elle, selon vous, raciste ?

Il est très important de savoir que la discrimina­tion policière sur une base ethnique est réelle, comme le montre l’ensemble des résultats disponible­s depuis vingt ans, à Paris, Lyon, Grenoble, Marseille, partout. Pourtant, le gouverneme­nt ne veut pas reconnaîtr­e que le problème existe. Par conséquent, il ne met pas en oeuvre de mécanismes pour le limiter.

La situation n’a-t-elle pas évolué depuis les années 1980 ?

Depuis quarante ans, rien n’a changé. C’est une différence avec les EtatsUnis, où une partie des agents reconnaît le caractère moralement inacceptab­le des violences policières. On l’a vu lorsque de nombreux chefs de police ou des shérifs ont participé aux cortèges en soutien à George Floyd. En France, il n’y a pas, à ma connaissan­ce, de responsabl­e policier qui manifeste avec des associatio­ns de victimes.

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Une manifestat­ion contre les violences policières à Philadelph­ie, le 1er juin.
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