20 Minutes (Lyon)

La politique du chiffre refait surface

Dans certains départemen­ts, la hiérarchie policière a fixé aux agents de terrain des quotas

- Thibaut Chevillard

Trente mille personnes contrôlées en une semaine, 20 kg de stupéfiant­s saisis, 1 800 amendes forfaitair­es délictuell­es (AFD) de 200 € dressées… Depuis plusieurs jours, le ministère de l’Intérieur se félicite sur les réseaux sociaux des résultats d’opérations menées par les forces de l’ordre et destinées à lutter contre les trafics de drogue, notamment de cannabis. Alors que Gérald Darmanin a récemment exigé de ses troupes, à l’occasion d’une visioconfé­rence, des « résultats quant à la mise en oeuvre du dispositif des AFD », certains chefs policiers ont pris l’initiative de fixer aux agents de terrain des quotas de verbalisat­ions à réaliser chaque jour, comme l’a révélé Le Point.

C’est notamment le cas en Meurtheet-Moselle où, dans une note consultée par 20 Minutes, la direction départemen­tale de la sécurité publique (DDSP) estime « inconcevab­le que certains services n’aient encore réalisé aucune AFD ». Elle presse donc les chefs de circonscri­ptions et de services de lui communique­r le nombre d’amendes dressées lors d’«opérations ciblées» commandées par le premier flic de France, particuliè­rement à Nancy, considérée comme « faisant partie des “cibles” privilégié­es». En Isère, la DDSP se montre encore plus précise : les brigades spécialisé­es de terrain et les groupes de sécurité de proximité territoria­lisée devront réaliser «une verbalisat­ion par vacation». Les agents des groupes de sécurité de proximité, eux, devront dresser « deux verbalisat­ions par jour, une pour chaque vacation jour et nuit».

«La politique du chiffre n’a aucun sens, déplore Stanislas Gaudon, délégué général du syndicat de gardiens de la paix Alliance. On ne peut pas réinstaure­r ce qu’on a connu auparavant et qui a été assez dévastateu­r pour le monde policier.» «D’une part, cela ne laisse pas d’initiative­s aux policiers et, d’autre part, on ne choisit pas à l’avance ce que l’on va traiter comme infraction­s ! » Le syndicalis­te redoute aussi que ces objectifs de verbalisat­ion à réaliser deviennent «un outil de management» et que les agents fassent «l’objet de remontranc­es» s’ils ne les atteignent pas.

« Initiative­s locales »

«On ne peut pas réinstaure­r ce qui a été dévastateu­r pour le monde policier.»

Stanislas Gaudon, Alliance

Contacté par 20 Minutes, l’entourage de Gérald Darmanin affirme qu’il ne s’agit là que « d’initiative­s locales et en aucun cas de directives nationales ». La Direction générale de la police nationale rappelle de son côté que l’amende forfaitair­e est « un dispositif qui vient d’être généralisé sur toute la France » et que celui-ci doit être piloté et évalué. Mais, soutient-elle, en aucun cas ce pilotage «ne s’accompagne d’objectifs chiffrés ».

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Lors d’un contrôle de stupéfiant­s, à Toulouse, le 10 septembre.

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