«Je suis plus positif dans mes BD que dans la vie»
Dans «B.0, comme un dieu», Ugo Bienvenu donne sa vision du futur
Un robot travailleur du sexe qui parcourt l’univers pour satisfaire les femmes. C’est le pitch de B.0, comme un dieu, la nouvelle bande dessinée signée Ugo Bienvenu*. Cet album futuriste – et pornographique –, paru début septembre dans la collection «BD Cul» des éditions Les Requins Marteaux, nous emmène dans l’imaginaire du dessinateur. Il inaugure aussi notre nouvelle série de rendez-vous avec des artistes qui parlent du futur.
Comment en êtes-vous arrivé à créer une bande dessinée futuriste pornographique ?
Ce qui m’intéresse, c’est la question philosophique, la question que se posent les hommes sur l’existence. J’ai eu l’idée de faire un mélange d’existentialisme et de sexe, parce que je me suis rendu compte que je n’avais pas une imagination libidinale démentielle.
Vous traitez de l’anéantissement des choses du passé lié aux limitations de la technologie. Quel regard portez-vous sur celle-ci ?
C’est un chemin obligé et ce serait dommage de le nier. Le début de la technologie, on va dire que c’est le bâton, par exemple. Etymologiquement, le mot « imbécile » désigne celui qui n’a pas de bâton pour soutenir ses forces défaillantes. On serait imbéciles de ne pas aller vers la technologie, il faut seulement l’utiliser à bon escient. Mais si on veut comprendre ce qu’on est en train de générer, il faudrait autant de techniciens que de philosophes.
Quelle est votre idée du monde qui nous attend ?
Les choses complexes vont disparaître au profit de choses simples. Dans mon futur, il reste encore de la nature et la possibilité pour l’homme de changer les choses. Mais, en réalité, je pense qu’on va vers de moins en moins de capacité de l’humain à changer son destin, de moins en moins de nature, de moins en moins de beauté et de moins en moins de bonheur. Je suis beaucoup plus positif dans mes BD que dans la vie.
Pour vous, le futur sera ambiance collapsologie ou ambiance transhumaniste ?
Je n’aime pas les deux. Il y aura une forme de transhumanisme et une forme de collapsologie, mais tout ça va se passer très doucement. Ma vision, c’est que le pire a déjà lieu dans le monde, et il y aura une généralisation de ce pire.
L’écrivain Jean-Pierre Andrevon a dit : « Les auteurs de sciencefiction sont des lanceurs d’alerte »…
C’est pour ça que j’essaie d’écrire des récits où le bonheur est possible. Dans les années 1970, les auteurs de dystopie et de science-fiction ont prédit le pire, et le pire est en train d’arriver. C’est peut-être à notre génération de prédire quelque chose de viable.
* Le dessinateur est l’un des grands témoins du Turfu Festival, qui commence ce lundi à Caen. turfu-festival.fr/grands-temoins.