Une gestion à remettre en ordre ?
Manque de masques, de tests... La réactivité et la cohérence des autorités de santé lors de la première vague de Covid-19 suscitent des interrogations.
« On a réussi à passer le premier pic de l’épidémie sans se poser la question de l’action des agences sanitaires, mais on n’en fera sans doute pas l’économie face à ce rebond », prévient Nicolas Henckes, sociologue au CNRS. La France compte une myriade d’autorités sanitaires : Haute Autorité de santé (HAS), Haut Conseil de la santé publique (HCSP), Santé publique France, direction générale de la Santé… et 18 agences régionales de santé (ARS). Pourtant, la France ne semblait pas préparée à la crise sanitaire.
«Cette crise révèle un problème de coordination entre les agences et entre les ministères.»
Henri Bergeron, sociologue
Pénurie de masques, de tests… La gestion de la crise, examinée par les commissions d’enquête des députés et sénateurs, interroge sur l’anticipation et la réactivité des agences sanitaires. «Il ne faut pas confondre les autorités politiques [la DGS, métronome pendant la crise], scientifiques [la HAS et le HCSP] et les opérateurs [les ARS]», nuance Franck Chauvin, président du HCSP et membre du conseil scientifique Covid. Ces autorités ont, pour lui, travaillé de manière complémentaire.
Pourtant, l’exécutif a créé le conseil scientifique Covid. « Alors qu’il existait un plan de pandémie grippale, des décisions parmi les plus importantes depuis 1939 ont été prises par le Premier ministre, le président, le ministre de la Santé et un conseil scientifique, ce dernier n’étant prévu par aucun texte », critique Henri Bergeron, sociologue au CNRS et coauteur de Covid-19, Une crise organisationnelle (Presses de Sciences po, parution jeudi). « Le Haut Conseil aurait pu jouer ce rôle, reconnaît Franck Chauvin. Mais, compte tenu de la masse de travail, cette création me semble pertinente. »
Les responsables se renvoient la balle quand on parle dysfonctionnements. A entendre l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn, son ministère a bien anticipé. Pourtant, personne ne l’avait prévenue que les stocks stratégiques de masques étaient périmés. Santé publique France met dix-huit mois pour réaliser l’audit des masques et neuf mois à passer commande. « Cette crise révèle un problème de coordination et de coopération entre ces agences, et, plus largement, entre les ministères », avance Henri Bergeron.
« Les agences ont répondu présent, se défend Franck Chauvin. En revanche, il faudra peut-être questionner les systèmes d’alerte. Il y a aussi une crise de la santé publique de proximité. Dans les territoires, on avait peu d’agents pour mettre en oeuvre les mesures. »