20 Minutes (Lyon)

«L’ENA est admirée à l’étranger»

La réalisatri­ce d’un documentai­re diffusé sur France 2, Virginie Linhart, évoque les mythes et les réalités qui courent sur cette école

- Propos recueillis par Delphine Bancaud

L’Ecole nationale administra­tion (ENA) fascine autant les Français qu’elle les crispe. Dans son documentai­re, «L’énarque est un humain (presque) comme les autres », diffusé sur France 2 lundi, Virginie Linhart a suivi la scolarité d’une promotion de l’ENA pendant un an et demi. Pour 20 Minutes, la réalisatri­ce revient sur ce qu’on croit savoir sur les énarques.

Comment expliquez-vous la fascinatio­n des Français pour l’ENA ? Les Français ont une position ambiguë sur l’ENA : c’est l’école qu’ils détestent, mais ils sont ultrafiers lorsque leurs enfants réussissen­t le concours d’entrée. Leurs a priori sur l’école reposent souvent sur une méconnaiss­ance de ce qu’elle est vraiment. D’où ma volonté de décrire la réalité de cet établissem­ent, au-delà du symbole qu’il représente.

Les portes de l’école se sont-elles ouvertes facilement à votre caméra ? Oui, le directeur m’a donné l’autorisati­on de filmer des événements ou des lieux qui ne l’avaient jamais été, comme la conférence inaugurale, le week-end d’intégratio­n, les lieux de stage… Mais quand j’ai commencé mon travail, les élèves étaient méfiants, car ils croyaient que j’allais rester très peu de temps sur place. J’ai dû faire de la pédagogie pour leur expliquer que je voulais les voir évoluer pendant toute leur scolarité. Avez-vous répondu à la question que vous vous posez au début du documentai­re : « L’école est-elle l’eldorado des élèves méritants ou le lieu de l’entre-soi » ? Contrairem­ent à ce que l’on croit, il y a peu d’enfants d’énarque parmi les élèves. Beaucoup sont issus de la classe moyenne, ont des parents enseignant­s, cadres exerçant des profession­s libérales… Et il ne faut pas oublier que le concours interne est ouvert aux fonctionna­ires qui ont au minimum quatre ans d’expérience profession­nelle et que le troisième concours est réservé aux élus, aux associatif­s et aux syndicalis­tes après huit années de pratique. Ce qui crée un mélange des origines sociales, géographiq­ues et profession­nelles. Quelle est la place des femmes dans l’école ?

Elles sont moins nombreuses que les hommes : 35 sur la promotion de 80 élèves que j’ai suivie. Ce qui m’a frappée, c’est qu’aucun élève homme que j’ai sollicité pour une interview n’a refusé d’y répondre, alors que beaucoup de femmes ont décliné la propositio­n. Elles n’étaient pas sûres d’être à leur place et avaient peur d’être mises en avant. Comment les élèves ont-ils réagi à l’annonce de la future suppressio­n de l’ENA par l’Institut du service public ? Ils l’ont mal vécue, car ils ont eu l’impression d’être les disjoncteu­rs de la crise des «gilets jaunes». Si l’ENA est critiquée en France, elle est admirée à l’étranger. D’ailleurs, quand Emmanuel Macron a annoncé sa suppressio­n [en avril], les Anglais étaient stupéfaits. Pour autant, la majorité des élèves étaient favorables à une réforme de l’école.

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L’établissem­ent est voué à être remplacé par l’Institut du service public.

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