L’Europe attendue au tournant
Dans l’affaire de l’avion dérouté en Biélorussie pour capturer un dissident politique, les pays de l’UE tentent d’agir fermement et de concert.
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L’affaire n’a pas fini d’embarrasser l’Union européenne. Un vol commercial reliant Athènes à Vilnius a été dérouté dimanche par la Biélorussie et forcé de se poser à Minsk, sa capitale, pour une fausse alerte à la bombe. La raison de ce déroutement était la présence à bord du Boeing de Roman Protassevitch, journaliste d’opposition au président du pays, Alexandre Loukachenko, arrêté lors du transit de l’avion en Biélorussie. Lundi, les dirigeants européens ont «condamné avec force l’atterrissage forcé d’un avion Ryanair à Minsk (…) qui a porté atteinte à la sécurité aérienne ». Un acte qualifié de « terrorisme d’Etat » par plusieurs capitales, alors que l’Union européenne a notamment décidé de fermer son espace aérien à la Biélorussie.
«Les 27 peuvent encore sanctionner la Biélorussie économiquement. »
Anne de Tinguy, chercheuse
« C’est clairement un test pour l’Union européenne, d’autant plus que derrière la Biélorussie se cache l’influence de la Russie », alliée du régime de Loukachenko, note Lukas
Aubin, docteur en géopolitique sur les espaces post-soviétiques. L’Union européenne a souvent échoué lors des précédents «tests» face à la Russie, notamment avec l’épisode de l’annexion de la Crimée, en 2014. Depuis cet échec originel, « la Russie ne cesse de tester les limites et les manques des 27 », appuie le chercheur. Comment réagir ? Voilà peut-être le vrai test pour l’Europe, trouver une réponse adaptée, juste et ferme. Et cela n’est pas chose aisée, surtout que l’intervention militaire peut être d’office exclue. « Dès lors, on retrouve la limite des régimes démocratiques face à un régime autoritaire, poursuit Lukas Aubin. L’usage de la force est l’apanage de la Russie et de la Biélorussie, même contre leur propre population. Face à cela, l’UE se retrouve limitée. » Toutefois, « les 27 peuvent encore sanctionner durement la Biélorussie économiquement, estime Anne de Tinguy, spécialiste de la Russie. L’Europe est un partenaire essentiel pour le pays avec qui il y a de nombreuses alliances commerciales. En être exclu aurait de lourds impacts. » Ainsi, Bruxelles pourrait peut-être démontrer que son arsenal de sanctions est vaste et menaçant.
Mais à punir trop fort le pays, il y a un risque : « Si on l’isole trop, on le repousse dans les bras de la Russie, qui n’attend que ça», soulève Anne de Tinguy. Une Russie déjà nécessaire à la survie politique d’Alexandre Loukachenko. De quoi faire les affaires de Vladimir Poutine. Lukas Aubin appuie : « La Russie cherche depuis toujours à avoir une zone tampon entre l’Union européenne et elle, et ne pas être encerclée par des pays des 27. La Biélorussie peut lui offrir ça.» Une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU doit se tenir ce mercredi.