Au Rwanda, Macron devrait s’exprimer sur le génocide
Le chercheur Thierry Vircoulon évoque les enjeux de la visite de Macron au Rwanda
Onze ans après Nicolas Sarkozy, c’est au tour d’Emmanuel Macron de se rendre au Rwanda, dès ce jeudi et pour deux jours, afin de prononcer un discours sur le génocide des Tutsis, qui a fait plus de 800000 morts en 1994. Thierry Vircoulon (photo), chercheur à l’Institut français des relations internationales, analyse les enjeux de cette visite historique.
Pourquoi cette visite intervient-elle maintenant ?
Le 27 mars, à l’initiative d’Emmanuel Macron, l’historien Vincent Duclert a remis un rapport sur le rôle de la France dans le génocide au Rwanda en 1994. Si ce rapport écarte la question de la complicité de la France, il reconnaît la responsabilité du gouvernement de l’époque. C’est une première. Cette visite, c’est en quelque sorte la conclusion, l’aboutissement de ce rapport.
Y a-t-il eu d’autres démarches françaises ces dernières années pour normaliser les relations ?
Oui, certaines ont permis de détendre les relations entre Paris et Kigali, rendant possible cette visite. Ces dernières années, un certain nombre de Rwandais liés au génocide et qui étaient en France ont été arrêtés. Début avril, la France a aussi ouvert au public d’importantes archives du gouvernement de François Mitterrand sur cette période, entre 1990 et 1994.
Que peut-on attendre de cette visite ?
Etant donné qu’Emmanuel Macron devrait reprendre la conclusion du rapport de Vincent Duclert, il est assez probable qu’il présente officiellement des excuses pour la responsabilité de la France dans le génocide de 1994. Mais cette visite, c’est aussi l’occasion d’ouvrir un nouveau chapitre. Le temps de la reprise de la coopération est venu. La visite pourrait aussi s’accompagner de contrats économiques ou d’accords diplomatiques, notamment sur le retour d’un ambassadeur français à Kigali, où le poste est vacant depuis 2015.
Cette visite est-elle historique ?
Oui. Les relations entre la France et le Rwanda sont tendues depuis vingt-sept ans. Désormais, elles sont en voie de normalisation. C’est la première fois qu’un président français va se rendre à Kigali, depuis le génocide, pour y prononcer un discours sur la responsabilité de la France et, peut-être, présenter des excuses. Même si Paul Kagame [le président rwandais] a affirmé qu’il ne les demandait pas, Kigali attend évidemment des excuses officielles de la France. C’est le moment de le faire.
Pourquoi les relations entre la France et le Rwanda ne se sont-elles jamais détendues ?
Jusqu’à présent, il n’y avait pas eu de reconnaissance officielle de la responsabilité du gouvernement de François Mitterrand. Désormais, c’est chose faite. On a un rapport qui indique que la France porte des «responsabilités lourdes » dans la tragédie, notamment en étant « demeurée aveugle face à la préparation » du génocide.