20 Minutes (Lyon)

Contre la pollution, ils nageront entre Paris et Deauville

Quatre jeunes vont nager 380 km entre Paris et Deauville pour alerter sur cette pollution

- Nicolas Camus

Cela paraît légèrement disproport­ionné, dit comme ça, mais c’est pourtant bel et bien l’idée. A partir de samedi, quatre jeunes gens vont parcourir 380 km à la nage pour inciter les fumeurs à marcher 10m ou 20 m supplément­aires dans la rue, afin de jeter leur mégot à la poubelle plutôt que par terre. «Il faut au moins ça, nous explique Matthieu, le doyen d’entre eux, du haut de ses 27 ans, pour faire évoluer ne serait-ce qu’un peu les comporteme­nts et réduire l’impact sur l’environnem­ent de ces bouts de clopes laissés à l’abandon.»

On ne s’en rend pas forcément compte, mais, depuis plus de trente ans, les mégots sont la principale source de déchets plastique dans l’océan. Un seul d’entre eux pollue jusqu’à 500 l d’eau et met plus de dix ans à se dégrader, selon Surfrider Foundation Europe. Quand on sait qu’il y en a 40 000 qui finissent par terre chaque minute en France, ça pose l’urgence à agir.

« Pas besoin de repenser toutes les usines de production, note Matthieu. La solution à ce problème est avant tout un changement de comporteme­nt. Juste, si on jette son mégot à la poubelle, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui pour 60 % des fumeurs, on a fait une grosse partie du travail.»

Précision importante : le jeune homme, qui travaille chez Circul’R (une entreprise sociale qui vise à créer des ponts entre les start-up et les grands groupes afin qu’ils mettent en place des solutions d’économie circulaire), n’est pas là pour donner des leçons de morale. « Je ne suis pas contre les fumeurs fondamenta­lement, je pense juste qu’ils n’ont pas conscience de tout ça », dit-il. C’est là tout le sens de son action, qui prendra donc corps samedi, deux jours avant la Journée mondiale sans tabac.

Dans un premier temps, elle visera à battre le record du monde de ramassage de mégots. Une grande collecte, ouverte à tout le monde, est organisée de 10 h à 13 h dans une dizaine d’endroits à Paris. Ensuite, rendez-vous au pont d’Iéna, où deux jauges géantes de 2m chacune seront installées pour recueillir tout ce qui a été ramassé. Un huissier viendra très officielle­ment annoncer si le record a été battu. Avec plus de 1000 inscrits, cela ne devrait (malheureus­ement) pas poser trop de problèmes. «Plus il y aura de monde, plus il y aura de mégots, plus ça fera de bruit. En cinq minutes, on en ramasse déjà une centaine et on prend vraiment conscience de l’ampleur. Ces personnes seront des ambassadeu­rs, qui vont sûrement en parler à leurs proches, qui en parleront à leur tour, etc. », espère Matthieu, soutenu dans ce projet par Surfrider Foundation et la Mairie de Paris.

Il peut aussi compter sur son frère Lucas, sa copine Chloé et, la cousine de cette dernière, Louise. Pour susciter un large écho, la bande des quatre a décidé d’ajouter une dimension sportive à son action citoyenne.

En 2019, les trois premiers avaient déjà fait fort, avec la traversée du détroit de Gibraltar à la nage pour alerter sur la présence de microplast­iques dans l’océan. Ce sera là le second temps de l’action menée samedi. Dès 16h30, avec la dernière arrivée Louise, ils vont nager pendant une semaine dans la Seine, se relayant sur les 380 km qui relient Paris à Deauville, «pour retracer symbolique­ment le parcours d’un mégot de cigarette jeté par terre». Un défi très encadré, bien sûr. Nager dans la Seine est dangereux – et interdit, d’ailleurs. Eux pourront le faire, une fois les limites de Paris franchies, mais pas dans n’importe quelles conditions.

Ces sportifs amateurs, mais accomplis (semi-ironman, triathlon, etc.), seront suivis par deux bateaux et un kayak, pour les encadrer, avertir les autres embarcatio­ns de leur présence et servir de camp de base pour le repos et le ravitaille­ment. « Il y a plein de risques, c’est pour ça qu’on prépare cette aventure depuis un an, observe Matthieu. On n’est pas des baigneurs du dimanche, on est plus proches de l’alpiniste hyper équipé qui va faire son ascension. C’est une vraie expédition, on a des combinaiso­ns, un expert santé à bord, un défibrilla­teur, et cinq cents heures d’entraîneme­nt dans les pattes.» Pour lui comme pour ses acolytes, la performanc­e athlétique n’est pas anodine. Elle les porte en même temps qu’elle les sert. «Si je parle de la pollution des mégots tout seul dans mon jardin, pas sûr que ça ait beaucoup d’impact, explique notre aventurier. On construit une histoire et, à travers le sport, on suscite de l’émotion. C’est elle qui va nous permettre de délivrer un message. »

«En cinq minutes, on en ramasse déjà une centaine et on prend vraiment conscience de l’ampleur. »

«On n’est pas des baigneurs du dimanche, on est plus proches de l’alpiniste hyper équipé qui va faire son ascension. »

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Matthieu, Lucas, Chloé et Louise (de g. à dr.) vont organiser une grande collecte de mégots dans divers endroits à Paris avant de se mettre à l’eau, samedi.

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