«Plus on sera à l’ouvrir, plus on sera forts», déclare Mila
Justice Treize personnes sont poursuivies pour avoir participé au cyberharcèlement de Mila. Le procès a été renvoyé au 21 juin
Depuis plus d’un an, Mila, lycéenne iséroise de 18 ans, a reçu des milliers de messages d’insultes et de menaces. Des mots d’une violence inouïe déversés par des comptes Twitter désincarnés, en réaction à une vidéo dans laquelle la jeune femme critiquait l’islam. Pour la première fois, jeudi, devant la 10e chambre du tribunal judiciaire de Paris, Mila a pu croiser le regard de certains de ces internautes, soupçonnés d’avoir participé à la deuxième vague de cyberharcèlement lancée à son encontre à l’automne 2020. Agés de 18 à 35 ans, les treize internautes renvoyés dans ce dossier sont poursuivis pour « harcèlement moral en ligne ». Un procès qui a été finalement renvoyé au 21 juin, deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ayant été soulevées à l’audience par l’un des avocats, Juan Branco.
Vérifiant les identités des prévenus, le président Michaël Humbert a pris le temps de citer les messages incriminés. « Je te souhaite de mourir de la façon la plus atroce qui puisse existe, a ainsi envoyé une jeune femme de 19 ans. Je me ferai le plus grand plaisir de lacérer ton corps avec mon plus beau couteau. » Des messages susceptibles de constituer un délit de harcèlement en ligne créé par la loi Schiappa, adoptée en 2018.
Deux scénarios envisageables
C’est sur ce point que Juan Branco a soulevé une première QPC. Dénonçant une affaire « grave », Juan Branco a fustigé la rédaction « bancale » de l’infraction de « cyberharcèlement » et pointé « deux risques majeurs pour nos droits fondamentaux » : « La confusion et l’atteinte à la liberté d’expression. »
Il a aussi soulevé une deuxième QPC sur la circonstance aggravante accordée au harcèlement moral lorsqu’il est « commis au moyen d’un réseau de communication électronique ». Toujours pédagogue, le président a indiqué que le tribunal rendrait sa décision sur ces deux points le 21 juin. « Pour rendre une bonne justice, il faut parfois résister à la tentation de l’immédiateté, a justifié Michaël Humbert. L’oeuvre de justice nécessite du temps. » Deux scénarios sont désormais envisageables. Soit le tribunal décide de transmettre ces QPC à la Cour de cassation, et le procès sera renvoyé une nouvelle fois. Soit les magistrats décident de ne pas les transmettre, et le procès se tiendra sur deux journées, les 21 et 22 juin. Visiblement émue à la sortie de l’audience et entourée par son service de protection policière, Mila a tenu à rappeler qu’il n’y avait « pas d’anonymat » en ligne. « Que l’on soit un jeune adolescent, un adulte, à partir du moment où on commet un crime sur Internet, on peut être recherché, retrouvé et être jugé devant un tribunal, a-t-elle conclu. Il est temps que la peur change de camp et plus nombreux on sera à l’ouvrir, plus on sera fort et puissant face à la menace et au harcèlement. »