Les initiatives du gouvernement sont-elles efficaces dans la lutte contre ces crimes ?
En réaction à de récents drames, notamment à Mérignac, le gouvernement a annoncé la mise en place de nouvelles mesures contre les violences conjugales
L’histoire se répète : trop de femmes victimes qui avaient dénoncé les violences commises par leur conjoint sont encore laissées sans protection. » C’est le constat amer dressé par le Haut Comité à l’égalité. Mise en ligne mercredi, cette évaluation de la politique de lutte contre les violences conjugales intervient dans un contexte préoccupant. Le même jour , le gouvernement a publié le rapport d’inspection réclamé après le meurtre de Chahinez, 31 ans, brûlée vive en pleine rue par son mari à Mérignac (Gironde), le 4 mai. Ce rapport, qui pointe de nombreuses défaillances, a poussé le gouvernement à présenter six mesures pour mieux protéger les femmes. Un an et demi après le lancement du Grenelle des violences conjugales, l’accélération du nombre de féminicides et les dysfonctionnements relevés dans ces affaires posent une question : la politique menée par le gouvernement estelle efficace et suffisante ?
Manque de dialogue
À la tête de la Fédération nationale Solidarité femmes depuis 2017, Françoise Brié refuse de qualifier la situation actuelle d’« échec » : « Les difficultés qui existent depuis des années sont très ancrées dans le fonctionnement de nos institutions. » Parmi ces difficultés, le manque de dialogue entre magistrats, policiers et acteurs sociaux est unanimement dénoncé.
Pour Chahinez, ce manque de coordination a eu des conséquences dramatiques. Son mari, pourtant activement recherché par la police après une nouvelle agression et un dépôt de plainte, s’est présenté au service pénitentiaire d’insertion et de probation chargé de le suivre. Mais les policiers n’en ont jamais été informés. « Le partage d’information a été défaillant, d’autant que chaque service a une connaissance souvent incomplète, voire inexistante, de l’activité de ses partenaires », pointe le rapport d’inspection.
Pour mieux appréhender ces « trous dans la raquette », des associations réclament des « retours d’expérience » après chaque féminicide. « Si on demande ces retours, c’est pour combler les défaillances et pour les regarder en face, estime AnneCécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. Tant qu’on ne le fera pas, on n’arrivera pas à protéger les femmes. »
Autre élément d’explication, selon Françoise Brié : « Les modifications législatives héritées du Grenelle mettent du temps à redescendre sur le terrain et à être appliquées. » À titre d’exemple, début mai, seuls 45 bracelets antirapprochement étaient actifs sur les 1 000 disponibles. Aujourd’hui, on en compte 96. Quant aux « téléphones grave danger », 1 324
« Les modifications législatives du Grenelle mettent du temps à redescendre sur le terrain.» Françoise Brié, Fédération nationale Solidarité femmes
ont été attribués sur les 1 800 disponibles. Un chiffre qui devrait grimper à 3 000 d’ici à 2022. Mais un déploiement massif de ces dispositifs entraînerait une augmentation de la charge de travail pour les services de police et les magistrats. Or cette augmentation doit s’accompagner d’une augmentation des moyens alloués, estiment les principaux concernés.
Les associations réclament désormais une mobilisation « permanente ». « Pendant le Grenelle, on a réussi au gré d’énormes efforts à hisser les violences conjugales au rang de priorité politique no 1, puis on est passé à un autre sujet, s’insurge Anne-Cécile Mailfert. Ça ne peut pas être l’accordéon permanent ! » Conscient de l’attente grandissante de la société sur ces questions, le gouvernement a fixé un nouveau rendez-vous. « Le Premier ministre réunira à l’occasion du deuxième anniversaire du Grenelle un comité de suivi de la mise en oeuvre des mesures du Grenelle contre les violences conjugales », concluait mercredi Matignon dans un communiqué.