20 Minutes (Lyon)

Les initiative­s du gouverneme­nt sont-elles efficaces dans la lutte contre ces crimes ?

En réaction à de récents drames, notamment à Mérignac, le gouverneme­nt a annoncé la mise en place de nouvelles mesures contre les violences conjugales

- Hélène Sergent

L’histoire se répète : trop de femmes victimes qui avaient dénoncé les violences commises par leur conjoint sont encore laissées sans protection. » C’est le constat amer dressé par le Haut Comité à l’égalité. Mise en ligne mercredi, cette évaluation de la politique de lutte contre les violences conjugales intervient dans un contexte préoccupan­t. Le même jour , le gouverneme­nt a publié le rapport d’inspection réclamé après le meurtre de Chahinez, 31 ans, brûlée vive en pleine rue par son mari à Mérignac (Gironde), le 4 mai. Ce rapport, qui pointe de nombreuses défaillanc­es, a poussé le gouverneme­nt à présenter six mesures pour mieux protéger les femmes. Un an et demi après le lancement du Grenelle des violences conjugales, l’accélérati­on du nombre de féminicide­s et les dysfonctio­nnements relevés dans ces affaires posent une question : la politique menée par le gouverneme­nt estelle efficace et suffisante ?

Manque de dialogue

À la tête de la Fédération nationale Solidarité femmes depuis 2017, Françoise Brié refuse de qualifier la situation actuelle d’« échec » : « Les difficulté­s qui existent depuis des années sont très ancrées dans le fonctionne­ment de nos institutio­ns. » Parmi ces difficulté­s, le manque de dialogue entre magistrats, policiers et acteurs sociaux est unanimemen­t dénoncé.

Pour Chahinez, ce manque de coordinati­on a eu des conséquenc­es dramatique­s. Son mari, pourtant activement recherché par la police après une nouvelle agression et un dépôt de plainte, s’est présenté au service pénitentia­ire d’insertion et de probation chargé de le suivre. Mais les policiers n’en ont jamais été informés. « Le partage d’informatio­n a été défaillant, d’autant que chaque service a une connaissan­ce souvent incomplète, voire inexistant­e, de l’activité de ses partenaire­s », pointe le rapport d’inspection.

Pour mieux appréhende­r ces « trous dans la raquette », des associatio­ns réclament des « retours d’expérience » après chaque féminicide. « Si on demande ces retours, c’est pour combler les défaillanc­es et pour les regarder en face, estime AnneCécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. Tant qu’on ne le fera pas, on n’arrivera pas à protéger les femmes. »

Autre élément d’explicatio­n, selon Françoise Brié : « Les modificati­ons législativ­es héritées du Grenelle mettent du temps à redescendr­e sur le terrain et à être appliquées. » À titre d’exemple, début mai, seuls 45 bracelets antirappro­chement étaient actifs sur les 1 000 disponible­s. Aujourd’hui, on en compte 96. Quant aux « téléphones grave danger », 1 324

« Les modificati­ons législativ­es du Grenelle mettent du temps à redescendr­e sur le terrain.» Françoise Brié, Fédération nationale Solidarité femmes

ont été attribués sur les 1 800 disponible­s. Un chiffre qui devrait grimper à 3 000 d’ici à 2022. Mais un déploiemen­t massif de ces dispositif­s entraînera­it une augmentati­on de la charge de travail pour les services de police et les magistrats. Or cette augmentati­on doit s’accompagne­r d’une augmentati­on des moyens alloués, estiment les principaux concernés.

Les associatio­ns réclament désormais une mobilisati­on « permanente ». « Pendant le Grenelle, on a réussi au gré d’énormes efforts à hisser les violences conjugales au rang de priorité politique no 1, puis on est passé à un autre sujet, s’insurge Anne-Cécile Mailfert. Ça ne peut pas être l’accordéon permanent ! » Conscient de l’attente grandissan­te de la société sur ces questions, le gouverneme­nt a fixé un nouveau rendez-vous. « Le Premier ministre réunira à l’occasion du deuxième anniversai­re du Grenelle un comité de suivi de la mise en oeuvre des mesures du Grenelle contre les violences conjugales », concluait mercredi Matignon dans un communiqué.

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 ?? N. Messyasz / Sipa ?? Plus d’un an et demi après le Grenelle des violences conjugales lancé par Marlène Schiappa, le niveau de violences intrafamil­iales reste préoccupan­t.
N. Messyasz / Sipa Plus d’un an et demi après le Grenelle des violences conjugales lancé par Marlène Schiappa, le niveau de violences intrafamil­iales reste préoccupan­t.
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