20 Minutes (Lyon)

Musique « Je suis beaucoup dans la contradict­ion »

Après le succès de « Sainte Victoire », Clara Luciani sort son deuxième album, « Coeur », ce vendredi

- Propos recueillis par Fabien Randanne

Il y a des évidences qui sautent aux oreilles. Coeur, le nouvel album de Clara Luciani, disponible ce vendredi, en fait partie. Une écoute suffit à lui promettre une belle destinée : il restera comme l’un des meilleurs disques de l’année.

Dans « Coeur », vous évoquez une rupture, l’admiration unilatéral­e, le couple où l’on peut laisser des plumes… Vous êtes une romantique contrariée ?

[Elle rit] Contrariée tout court. Comme beaucoup d’êtres humains – je me demande même si ce n’est pas le propre de l’homme – je suis beaucoup dans la contradict­ion. Cela s’entend dans ma musique. Ce sont des chansons à la fois très solaires et très sombres, nostalgiqu­es. Elles sont plus profondes que ce que leur légèreté apparente laisse imaginer. Moi-même, je peux être extrêmemen­t joyeuse et puis, tout à coup, me retrouver dans une énorme crise de doute et dans une période assez triste.

« Coeur » est la première chanson de l’album qui porte son nom. Vous y parlez de violence conjugale. Il était important pour vous d’ouvrir le disque en passant ce message ?

Je crois que cette chanson devait apparaître en premier parce que le reste de l’album est assez autocentré, autobiogra­phique dans les paroles. J’avais envie de commencer par ce titre qui est, pour moi, le plus important dans son message. Je voulais poser les bases dès le départ en disant : on va danser, on va faire la fête, mais avant ça, même si on s’accorde sur le fait qu’il y a eu beaucoup d’évolutions et une libération de la parole des femmes entre La Grenade et maintenant, il y a déjà 50 femmes mortes sous les coups de leur conjoint depuis le début de l’année en France.

« J’sais pas plaire », sur ce nouvel album, semble faire écho à « Drôle d’époque », sur le précédent. Ce sont deux chansons en forme d’autoportra­it dans lesquelles vous ne vous ménagez pas. Le succès, le regard médiatique et du public majoritair­ement positif à votre égard ont-ils changé quelque chose pour vous ?

Ça a aidé, mais il y a des choses qui me suivront toute ma vie. Quand on est une enfant moquée, c’est très dur d’oublier. J’ai l’impression d’être toujours suivie par cette ombre. Dans le miroir, c’est la petite fille blessée que je vois le plus, même si je sais qu’il y a des choses qui ont changé. C’est vrai que ces chansons ont des similarité­s. Dans leur production également. Quand je dis quelque chose de très intime et sensible, j’ai besoin de le faire en guitare-voix, parce que c’est pour moi une sorte de confidence, ce n’est pas quelque chose que je peux scander comme un message politique à l’image de La Grenade ou Coeur. Je susurre à demi-mot car c’est quelque chose dont je ne suis pas fière, qui me tourmente.

Votre succès n’a pas été une forme de revanche ?

Si, quand même, quelque part. J’ai la chance de faire un deuxième album, de répondre à des interviews, les gens s’intéressen­t au disque… Mais je crois que ça ne guérira jamais certaines blessures du passé. Je me suis construite autour de ça aussi. Si un jour je me sentais parfaiteme­nt guérie, peut-être que le besoin d’écrire des chansons disparaîtr­ait.

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