« Ils risquent d’entendre des choses violentes »
Parmi les victimes des attentats du 13-Novembre, certaines se préparent à témoigner, pendant que d’autres hésitent encore à livrer leur récit à la barre
Depuis le 13 novembre 2015, Vincent s’est plusieurs fois imaginé la scène : « Je vois ce moment où j’aurai fini de parler. Je vais tourner le dos à la cour et partir. » Pour ce trentenaire, partie civile au procès des attentats du Bataclan, des terrasses parisiennes et du Stade de France, il ne s’agit pas seulement de « témoigner », mais également de « déposer » : « C’est comme se délester d’un paquet, le donner à la société et pouvoir se dire, après, “la vie continue”. » Victime de l’attentat commis par Brahim Abdeslam au Comptoir Voltaire (11e), ce Parisien est désormais sûr « à 90 % » de témoigner.
Comme lui, près de 1 800 victimes des attaques terroristes de Paris et SaintDenis seront représentées au procès qui doit s’ouvrir mercredi. Pour les entendre, la cour d’assises spéciale a prévu cent cinquante heures d’audition (soit près de 300 témoignages), entre septembre et novembre.
« Pas tout blanc ou tout noir »
Vincent a longuement réfléchi à ce qu’il souhaitait dire à la cour : « Je compte raconter ce que j’ai vécu ce soir-là, évidemment. Mais aussi les conséquences de l’attentat sur ma vie, positives et négatives, parce que ce n’est pas tout blanc ou tout noir. » Au début de l’été, le jeune homme a informé ses proches de sa volonté de témoigner. Depuis, il a tenu à les préparer : « Ils risquent d’entendre des choses violentes, que je ne leur ai jamais dites. Jusqu’à présent, j’ai mis des filtres sur certains pans de mon histoire, mais je ne compte pas le faire pendant mon témoignage. » Malgré le travail de préparation des associations (lire l’encadré), beaucoup hésitent encore à témoigner. « Les victimes qui ont perdu un proche mais qui n’étaient pas sur place le soir des attentats s’interrogent sur l’intérêt de leurs témoignages », confie Philippe
Duperron, président de l’association 13onze15. D’autres, explique Arthur Dénouveaux, président de Life for Paris, ont le sentiment d’avoir déjà tout dit à l’occasion de reportages ou d’interviews accordées à la presse. Pour autant, Arthur Dénouveaux le sait, ce moment est aussi très attendu parmi les victimes des attentats : « Il y a des personnes qui n’ont jamais témoigné jusque-là et qui vont y aller. Parce que ce témoignage à la barre, dans l’enceinte judiciaire, c’est le témoignage le plus “pur”. »
Une phase de préparation
Pour faciliter les prises de parole, les associations de victimes ont multiplié les initiatives à destination de leurs adhérents. « On fait des points réguliers pour leur expliquer qui fait quoi dans une cour d’assises, explique Arthur Dénouveaux. L’année dernière, on a aussi emmené des volontaires au procès des attentats de janvier 2015. » Au cours de l’été, des visites de la salle d’audience, construite pour l’occasion au palais de justice de l’île de la Cité, à Paris (1er), ont été organisées.