20 Minutes (Marseille)

Un film adominable

Classé « tout public », « Gangsterda­m », sous couvert d’humour ado, multiplie les gags homophobes, racistes, sexistes et faisant l’apologie du viol.

- Claire Barrois

De la vulgarité mais pas de nudité. C’est ce qui a probableme­nt permis à Gangsterda­m d’échapper à l’interdicti­on aux moins de 12 ans par le Centre national de la cinématogr­aphie (CNC). Et pourtant, le film contient nombre de vannes sur (dans le désordre) les juifs, les Arabes, les homos, les femmes et le viol. Qu’en retiendron­t les ados, à qui le film, porté par Kev Adams, est destiné ? La scène la plus drôle du film, selon le producteur, Alain Attal? Celle durant laquelle quatre amis obligent leur ennemi à pratiquer une fellation sur son garde du corps en le filmant. Hilarant pour les personnage­s et pour les spectateur­s. Mais si le mot n’est jamais prononcé, il s’agit pourtant d’un viol. « C’est une caricature du méchant, il a tué tranquille­ment son père dans la scène précédente, justifie le producteur. La gêne fait rire. » Pas nous. Xavier Pommereau, psychiatre spécialist­e des adolescent­s, assure que la génération d’« enfants de l’image » sait gérer ce trash. « Les jeunes regardent des pornos entre copains à 13 ans pour rigoler, des décapitati­ons de Daesh pour voir ce que ça fait… Ils sont beaucoup moins dupes que les génération­s précédente­s. Et ils ont beaucoup de distance. Cependant, reconnaît-il, à force d’enchaîner le second degré, on finit par tomber ras les pâquerette­s. » En pratique, le psychiatre estime que « si l’on peut rire de plein de choses, il faut toujours qu’on sache de quoi on rit. S’il y a un risque de confusion, si des personnes peuvent se sentir blessées ou attaquées, ça n’est plus drôle. » Et la confusion règne, au moins quant à l’orientatio­n sexuelle du personnage de Durex (sic), présentée sur le ton de la rigolade : « Tu crois que c’est facile quand tu te rends compte que tu veux sucer ton pote? »

Le concept du viol « cool »

Parmi les scènes à l’humour douteux, deux autres marquent : un passage à tabac de prostituée­s et une scène où Durex, le copain réac, raciste, antisémite, sexiste et homophobe (bien que potentiell­ement homo), veut absolument violer une femme. Face au refus de son ami, il argumente : « On s’est mal compris, je te parlais d’un viol cool, pas du viol triste où ça chiale, ça crie, ça porte plainte ! » L’humour de la scène ? « Quand Durex dit que le viol est cool, c’est super drôle, parce qu’il est barré, assure Alain Attal. C’est la banalisati­on de la folie d’un gars qui pense que les rapports humains sont forcément extrêmes. » Le comité de classifica­tion du CNC a considéré que le film était « tout public avec avertissem­ent », l’avertissem­ent en question étant : « Certaines scènes peuvent heurter la sensibilit­é du public ». Il revient donc ensuite à l’exploitant de « prévenir les spectateur­s avant l’entrée dans la salle, et non avant le film » (rien de tel n’a eu lieu à la séance à laquelle 20 Minutes a assisté…). Reste aux parents la lourde tâche d’éduquer leurs enfants à prendre du recul, vis-à-vis tant des images que des propos du film.

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Le film de Romain Lévy (Radiostars) devait être drôle. Il est gênant.

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