Les troubles bipolaires encore mal identifiés
La bipolarité apparaît avant 25 ans dans 70 % des cas
«Sept ans, huit spécialistes et un passage en hôpital psychiatrique. » C’est le chemin de croix emprunté par Lou Lubie jusqu’à ce que soit diagnostiquée sa cyclothymie, une forme « atténuée » de bipolarité (autrefois appelée maniacodépression). Ce jeudi, la 3e journée mondiale des troubles bipolaires permettra peut-être de faire mieux connaître cette maladie qui touche entre 650000 et 1,6 million de Français. Dont beaucoup de jeunes : 70 % des patients voient apparaître leurs premiers symptômes avant 25 ans.
« C’était normal. Tout le monde a des jours avec et des jours sans. »
Lou Lubie, cyclothymique.
« Je savais bien que je faisais des dépressions, mais je n’avais absolument pas remarqué mes élévations d’humeur, se souvient Lou Lubie, auteure de Goupil ou face, une BD retraçant son parcours du combattant. Je les trouvais normales, tout le monde a des jours avec et des jours sans. Il me manquait un référentiel pour réaliser que ça relevait de la pathologie. C’est difficile d’avoir du recul quand on n’est pas informé. » D’où l’importance de la sensibilisation. Mais comment différencier gros spleen et bipolarité ? « On différencie une émotion de l’humeur par la durée, indique Pierre Geoffroy, psychiatre et auteur de Savoir pour
guérir les troubles bipolaires. Un épisode dépressif dure plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Et il se manifeste par des idées noires et un ralentissement moteur : le patient va avoir moins d’appétit, moins de désir sexuel, davantage sommeil... » Alors, pour ce qui est du préjugé de certains ados qui pensent qu’être bipolaire rend original, à la manière d’un Van Gogh ou d’un Kurt Cobain, il doit être combattu. « Un artiste en crise dépressive ne peut pas créer ! La bipolarité est une vraie maladie handicapante », insiste Pierre Geoffroy. L’Organisation mondiale de la santé a d’ailleurs classé les troubles bipolaires parmi les 10 pathologies les plus invalidantes. « Un patient sur deux fera une tentative de suicide. Et un patient non traité va faire des crises maniaques et dépressives plus rapprochées et plus intenses », tranche le spécialiste. D’où l’importance de poser un diagnostic assez tôt chez un jeune. Ce qui est compliqué pour les parents, comme les soignants, qui peuvent penser que les sautes d’humeur sont liées aux hormones’adolescence est une période où se manifestent d’autres troubles comme l’anorexie, la schizophrénie... Dernière difficulté : « Si un jeune prend de la coke et fait un épisode maniaque, on peut croire que c’est à cause de cette drogue, alerte Lou Lubie. On risque alors de se focaliser sur ces problèmes secondaires plutôt que de traiter le problème à la racine. Ce peut être une perte de temps. »