C’est les watts qu’ils préfèrent
Les coureurs du peloton sont obnubilés par les capteurs de puissance
«La puissance d’un système dans lequel une énergie d’un joule est transférée uniformément pendant une seconde. » Non, ce n’est pas du chinois, mais la définition d’un watt, l’unité à la mode dans le peloton qui mesure la puissance d’un coureur. Grâce à un capteur placé dans le pédalier et relié à un cadran, qui calcule en temps réel les données, le cycliste sait exactement où il en est physiquement, sa marge d’accélération, son point de surchauffe…
Un cyclisme scientifique
« Pour les leaders comme Tom Dumoulin [vainqueur du Giro], ce sont des outils indispensables, explique Dominique Arnould, directeur sportif chez Direct Energie. Ils gèrent leur effort et l’écart avec les autres pour rester dans le coup, sans exploser. » Désormais, ces outils contrôlent et font la course. C’est pour cela que vous êtes si souvent déçus quand Froome lâche quelques mètres après une attaque. « Ils connaissent parfaitement leur potentiel physique. Forcément, il n’y a plus de surprise, réagit l’ancien coureur Steve Chainel. Froome n’est pas fou : sur une montée comme l’Alpe d’Huez, il sait très bien que, par rapport à son poids et à sa forme, il peut être à 445 watts de moyenne. Si un mec part à 1000 watts devant, il ne tiendra pas. Alors pourquoi se cramer à le suivre? Il va revenir au train et gagner l’étape. » Bye bye l’instinct, le panache, le courage. Bienvenue dans le cyclisme scientifique. Celui des montées au sommet qui se terminent sans écart. Celui où les leaders n’ont plus de grosses défaillances. Dans le peloton et chez les suiveurs, beaucoup sont favorables à l’abandon de ce « putain d’outil de travail, mais qui fausse la course », selon Steve Chainel. « Je suis contre cette modernité, résume Dominique Arnould. L’UCI [Union cycliste internationale] devrait supprimer les capteurs de puissance. On aurait un autre déroulement de la course. » Même son de cloche chez Amaël Moinard : « Je suis pour les capteurs de puissance, mais dissimulés sous la selle pour promouvoir notre sport. On courrait plus à l’instinct et ça décadenasserait certaines courses. »