Les Iraniennes percent le silence
L’Iran, qui joue contre l’Espagne, pourra compter sur le soutien de ses supportrices, interdites de stade au pays
Il y a longtemps qu’on avait cessé de croire aux vertus diplomatiques des grandes compétitions sportives, puis le rapprochement entre les deux Corées lors JO d’hiver nous a pris de court. Alors, comment ne pas se laisser séduire par le combat des Iraniennes au Mondial ? Tout est parti d’une banderole, vue lors du match face à au Maroc. Son message? «Soutenez le combat des Iraniennes pour entrer dans les stades.»
Pour la première fois de sa vie, Astar*, qui avait tout concocté dans son coin, assistait à une rencontre de son équipe nationale au stade. En Iran, où elle réside, les femmes ont l’interdiction de pénétrer dans une enceinte depuis 1981. «J’ai imaginé si longtemps que ce serait le meilleur jour de ma vie, explique-t-elle. J’ai pensé à toutes mes amies qui auraient voulu être avec moi.» Tara Sepehi Far était là aussi. Elle estime que 30% des 15 000 supporters de la Team Melli présents à Saint-Pétersbourg pour le match étaient des femmes.
« La seule chose qu’on espère, c’est faire bouger la Fifa. » Astar*
En plus des matchs de foot, elles ne peuvent plus, depuis 2014, assister à des rencontres de volley ou de basket. «Ça a provoqué une prise de conscience, raconte Astar. La plupart des gens sont nés après la révolution, ils avaient intégré que les femmes n’allaient pas au foot. Ne plus aller au basket ni au volley, c’était nouveau.» A Téhéran, où les performances de la sélection sont célébrées par le pouvoir, les femmes ont obtenu une petite victoire : la municipalité a retiré et changé une affiche, où ne figurait aucune femme, censée représenter la ferveur des Iraniens. Le genre de concession insuffisante pour Astar, qui compte bien déployer, encore une fois, sa banderole face à l’Espagne, ce mercredi. « Le pouvoir gagne du temps sur ces questions depuis des années, indique-t-elle. La seule chose qu’on espère, c’est faire bouger la Fifa.» Pour Astar et ses compatriotes, le salut pourrait aussi venir des joueurs, souvent silencieux sur le sujet. «Ashkan Dejagah, le capitaine, est le seul qui a montré sa sympathie, indique la jeune femme. Quand le président a reçu toute l’équipe, la première chose qu’il a demandée, c’était d’ouvrir les stades aux femmes. C’était courageux. » Ce n’est que leur intuition, mais un message public des joueurs face à l’Espagne ne serait pas loin d’ébranler définitivement le pouvoir iranien. Surtout si la Team Melli réussit l’exploit de se qualifier contre la Roja. Même si elle prend une rouste, d’ailleurs. Il y a des victoires plus importantes que d’autres. * Le prénom a été modifié.