Une pratique à repenser
La relation entre médecin et patiente, et la place du masculin dans la spécialité étaient au coeur d’une journée de formation
Des témoignages sous le hashtag #PayeTonUtérus, cette gynécologue de Marseille n’a pas attendu d’en lire avant d’entendre, dans son cabinet, les actes ou paroles sexistes qu’avaient pu subir ses patientes. « Ce qui nous a surpris en revanche, c’est l’ampleur », reconnaît Julia Maruani, présidente du collège de gynécologie médicale Marseille-Provence. Elle réfute certains termes du rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, mais entend le besoin d’améliorer le rapport entre patientes et soignants. D’où cette formation organisée vendredi sur le thème : « Quelle évolution pour les femmes, les gynécologues et les hommes après 2017-2018 ? » Le sociologue Raphaël Liogier y a apporté un éclairage sur la masculinité post-#MeToo, qui devrait lever certains tabous chez les hommes praticiens. Ainsi, quand Julia Maruani refuse certaines terminologies, comme « le mot pénétration pour mettre en place un spéculum », l’auteur de Descente au coeur du mâle, lui, ne révoque pas ce mot.
Le choix des femmes
« Ce n’est pas un acte sexuel, mais c’est un acte sur le sexe, explicitet-il. C’est une relation au coeur de l’intimité. Dans le mouvement Me Too, on n’a pas parlé de gynécologie, alors que c’est le laboratoire. Avant de s’exercer du point de vue juridique et économique, la domination masculine s’est exercée sur le corps de la femme. La gynécologie va se construire comme un instrument de contrôle du corps des femmes. C’est le bras armé de cette soumission avec l’homme qui examine. » A l’écouter, l’égalité des corps serait ainsi le dernier bastion de lutte. Estce à dire qu’homme et gynécologie sont devenus incompatibles ? En réponse, Raphaël Liogier oppose non pas homme et femme, mais une vision virile, masculine d’une médecine qui se penserait comme « celui qui sait face à celui qui ne sait pas, ce qui est incompatible avec une gynécologie moderne ». Et de faire remarquer que, à l’image de certaines femmes de pouvoir, des gynécologues femmes ont pu intégrer ce « rapport à la virilité du médecin sachant ». Cet appel au changement de la relation entre patient et médecin est au coeur de la réflexion proposée par le collège de gynécologie Marseille-Provence. « On ne forme pas suffisamment les médecins à la communication, à l’écoute du choix des femmes. Elles souhaitent que les décisions sur leur santé soient prises en accord avec elles », observe Julia Maruani. Depuis un ou deux ans, la gynécologue voit « des patientes qui ont pris possession de leurs choix », qui d’emblée se positionnent par exemple contre la pilule, pour tel stérilet, ou qui n’hésitent pas à dire qu’elles ne veulent pas, ce jour-là, d’examen gynécologique.