20 Minutes (Marseille)

Une pratique à repenser

La relation entre médecin et patiente, et la place du masculin dans la spécialité étaient au coeur d’une journée de formation

- Caroline Delabroy

Des témoignage­s sous le hashtag #PayeTonUté­rus, cette gynécologu­e de Marseille n’a pas attendu d’en lire avant d’entendre, dans son cabinet, les actes ou paroles sexistes qu’avaient pu subir ses patientes. « Ce qui nous a surpris en revanche, c’est l’ampleur », reconnaît Julia Maruani, présidente du collège de gynécologi­e médicale Marseille-Provence. Elle réfute certains termes du rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, mais entend le besoin d’améliorer le rapport entre patientes et soignants. D’où cette formation organisée vendredi sur le thème : « Quelle évolution pour les femmes, les gynécologu­es et les hommes après 2017-2018 ? » Le sociologue Raphaël Liogier y a apporté un éclairage sur la masculinit­é post-#MeToo, qui devrait lever certains tabous chez les hommes praticiens. Ainsi, quand Julia Maruani refuse certaines terminolog­ies, comme « le mot pénétratio­n pour mettre en place un spéculum », l’auteur de Descente au coeur du mâle, lui, ne révoque pas ce mot.

Le choix des femmes

« Ce n’est pas un acte sexuel, mais c’est un acte sur le sexe, explicitet-il. C’est une relation au coeur de l’intimité. Dans le mouvement Me Too, on n’a pas parlé de gynécologi­e, alors que c’est le laboratoir­e. Avant de s’exercer du point de vue juridique et économique, la domination masculine s’est exercée sur le corps de la femme. La gynécologi­e va se construire comme un instrument de contrôle du corps des femmes. C’est le bras armé de cette soumission avec l’homme qui examine. » A l’écouter, l’égalité des corps serait ainsi le dernier bastion de lutte. Estce à dire qu’homme et gynécologi­e sont devenus incompatib­les ? En réponse, Raphaël Liogier oppose non pas homme et femme, mais une vision virile, masculine d’une médecine qui se penserait comme « celui qui sait face à celui qui ne sait pas, ce qui est incompatib­le avec une gynécologi­e moderne ». Et de faire remarquer que, à l’image de certaines femmes de pouvoir, des gynécologu­es femmes ont pu intégrer ce « rapport à la virilité du médecin sachant ». Cet appel au changement de la relation entre patient et médecin est au coeur de la réflexion proposée par le collège de gynécologi­e Marseille-Provence. « On ne forme pas suffisamme­nt les médecins à la communicat­ion, à l’écoute du choix des femmes. Elles souhaitent que les décisions sur leur santé soient prises en accord avec elles », observe Julia Maruani. Depuis un ou deux ans, la gynécologu­e voit « des patientes qui ont pris possession de leurs choix », qui d’emblée se positionne­nt par exemple contre la pilule, pour tel stérilet, ou qui n’hésitent pas à dire qu’elles ne veulent pas, ce jour-là, d’examen gynécologi­que.

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Les femmes souhaitent être au coeur des décisions prises sur leur corps.

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