Avocat de terre contre firme de fer
Drame Todd Haynes revient sur une terrible affaire de pollution par des produits chimiques dans «Dark Waters», avec Mark Ruffalo
Quand Mark Ruffalo a proposé à Todd Haynes de mettre en scène Dark Waters, le réalisateur de Carol et du Musée des merveilles s’est laissé entraîner par l’enthousiasme de l’acteur. « J’étais tellement sidéré par l’ampleur du scandale provoqué par la pollution qu’a causée la compagnie DuPont que j’ai signé tout de suite », confie-t-il à 20 Minutes.
Le cinéaste s’est passionné pour Robert Bilott, cet avocat (incarné par Mark Ruffalo) qui a découvert en 2016 comment la firme avait contaminé l’eau de paysans virginiens par le biais de ses rejets chimiques, empoisonnant sciemment la population avec les produits antiadhésifs placés sur des ustensiles de cuisine et des vêtements. «J’ignorais que les dégâts étaient aussi importants et que cela durait depuis les années 1950, avoue le cinéaste. Comment ne pas se sentir concerné par ce problème qui touche à l’environnement et à la santé publique ? » Todd Haynes livre donc son film le plus réaliste à ce jour, en plongeant dans le combat inégal entre un homme de loi déterminé et une puissante multinationale : « J’ai toujours aimé les personnages différents, à la marge, ceux qui risquent tout pour faire triompher leurs idées sans se soucier de leur propre intérêt. »
Robert Bilott est de ceux qui ont combattu sans se soucier des conséquences sur leur carrière. Il a pu être soutenu par son épouse, jouée par Anne Hathaway. « Transformer leur histoire en fiction n’a pas été une mince affaire, car je me suis trouvé face à une énorme documentation qu’il a fallu résumer pour en extraire l’essentiel », se souvient Todd Haynes.
« Je ne pense pas que les industriels vont changer leurs pratiques après avoir vu mon film. » Todd Haynes, réalisateur
Ce film militant fait penser à des oeuvres comme Erin Brockovich (2000), de Steven Soderbergh, ou Révélations (1999), de Michael Mann, en prenant des allures de thriller pour dénoncer les extrémités auxquelles peut mener l’appât du gain. « Je ne suis pas naïf, déclare le réalisateur. Je ne pense pas que les industriels vont changer leurs pratiques du jour au lendemain après avoir vu mon film. » Certaines scènes, comme une discussion glaçante entre l’avocat et le dirigeant de la compagnie qu’il accuse, ont cependant de quoi en interpeller plus d’un. « Dark Waters est un film de divertissement avec un petit plus qui devrait faire réfléchir », déclare Todd Haynes. Après l’avoir vu, le spectateur lira sans doute attentivement de quelle matière est composée sa poêle à frire.