20 Minutes (Marseille)

Dans la communauté juive, le sentiment d’insécurité perdure

Il y a cinq ans, une attaque était perpétrée dans un Hyper Cacher à Paris

- Caroline Politi

«C’est triste, mais on s’est habitués à l’antisémiti­sme. » Nathalie, cliente de l’Hyper Cacher

Le 9 janvier 2015, Amedy Coulibaly fait irruption dans un Hyper Cacher de Paris (20e), peu après 13 h. La veille, ce délinquant multirécid­iviste converti à l’islam en prison a abattu à Montrouge (Hauts-de-Seine) une policière municipale, Clarissa Jean-Philippe, et grièvement blessé un agent de la ville. Ce vendredi-là, les allées du magasin sont pleines. En moins de cinq minutes, Amedy Coulibaly tue trois hommes, puis un quatrième qui cherchait à s’emparer d’une arme. L’assaut pour libérer les 18 otages sera donné quatre heures plus tard, peu après celui contre les frères Kouachi, les tueurs de Charlie Hebdo. Les trois terroriste­s ont été abattus, mais 14 autres personnes sont jugées à partir de mercredi par la cour d’assises spéciale, soupçonnée­s de leur avoir apporté un soutien logistique.

Cinq ans et demi après, une discrète plaque commémorat­ive apposée à la devanture de l’Hyper Cacher rappelle cette attaque. Pour autant, ce funeste vendredi reste dans toutes les têtes. Liliane s’est fait un devoir de retourner dans le magasin. Pourtant, encore aujourd’hui, elle ressent une «appréhensi­on» à chaque fois qu’elle en franchit le seuil. Après l’attentat, la sexagénair­e a envisagé de partir vivre en Israël. Sa fille l’a convaincue de rester. Mais, cette année-là, près de 8000 Français, selon les chiffres de l’Agence juive, avaient sauté le pas. Un record.

Un sondage réalisé en janvier par Fondapol-Ifop montre que 34 % des juifs interrogés se sentent souvent ou de temps en temps menacés, un chiffre qui monte à 45 % chez les personnes se déclarant pratiquant­es. Au moment de l’attentat de Toulouse comme celui de l’Hyper Cacher, plusieurs voix se sont élevées pour déplorer le manque de solidarité de la communauté nationale. « Y aurait-il eu autant de monde dans les rues le 11 janvier s’il n’y avait eu que l’Hyper Cacher ? », interroge Sammy Ghozlan, le président du Bureau national de vigilance contre l’antisémiti­sme. Le rabbin Hay Krief refuse toute comparaiso­n : « On n’est pas dans un concours de la douleur. » Il se souvient néanmoins que, après l’attentat, une partie de sa communauté s’est sentie abandonnée par l’Etat. «C’est triste, mais on s’est habitués à l’antisémiti­sme », lâche Nathalie sur le parking de l’Hyper Cacher. Et la mère de famille de préciser : « Il y a des quartiers, ou même des villes entières, où on ne va plus. »

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Le procès des attentats de janvier 2015 s’ouvre mercredi.

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