20 Minutes (Marseille)

Les rancoeurs de la « promo Covid »

Mobilisati­on Les élèves infirmiers anesthésis­tes affrontent la deuxième vague dans les hôpitaux de l’AP-HM. Et ce aux dépens de leurs études

- Mathilde Ceilles

Ils s’appellent déjà la «promo Covid». A la fin du mois de septembre, l’assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) annonçait dans un communiqué pouvoir prochainem­ent s’appuyer sur ces élèves infirmiers anesthésis­tes, actuelleme­nt en formation. C’est désormais chose faite pour Roxane*, qui, après avoir été réquisitio­nnée pour la première vague, rempile ces jours-ci à l’hôpital Nord de Marseille, comme une trentaine de ses collègues. Sauf que, cette fois, la pilule ne passe pas.

«Les réanimatio­ns ne vont pas bien depuis des années et, là, on a l’impression de devoir combler un manque, lance Louise. Mais on n’est pas des saintes ! » « On n’est qu’un symptôme de la gestion catastroph­ique de l’hôpital, enchaîne Roxane. Mon sentiment, c’est qu’ils récupèrent les étudiants pour pouvoir donner les congés annuels aux agents. » Mathilde* enfonce encore un peu plus le clou : « On comprend très bien la crise sanitaire, mais là, tout nous est imposé, on se sent manipulés. On essaie de faire entendre que notre formation est très dégradée.»

« En termes de connaissan­ces, on risque d’être très pauvres. » Louise, élève infirmière

Cette fois-ci, mieux équipée en masques et blouses, Roxane, qui ne pourra pas effectuer ses deux mois de stage en anesthésie, découvre un nouveau contexte. « L’ambiance est tout autre dans l’unité, avec des malades qui ne sont plus traités à l’hydroxychl­oroquine et qui restent donc très contagieux, relate-t-elle. Aussi, les patients, souvent éveillés, ont peur. La philosophi­e étant d’entuber le moins possible. » « Ils se tirent une balle dans le pied, se désole Louise. On est bien formés quand on a des stages variés. On est leur avenir, mais, en termes de connaissan­ces, on risque d’être très pauvres. Je ne suis pas sûre qu’on soit de bons profession­nels en sortant. Après la première vague, quand je suis retournée en stage, je n’arrivais plus à effectuer certains gestes. » « Nous entendons l’inquiétude, elle est légitime et nous allons tout faire pour les accompagne­r dans un parcours valorisé, qui passera à la fois par le bloc opératoire et la réanimatio­n pour valider les compétence­s, tente de rassurer Karen Inthavong, directrice et coordinatr­ice générale des soins à l’AP-HM. On sera très attentifs à l’acquisitio­n des compétence­s. » Et d’ajouter : «On ne fait pas comme à Paris : on prend soin de nos personnels, on maintient les vacances et on met en place un vrai accompagne­ment, y compris pour les étudiants. On va devoir rouvrir massivemen­t des lits et nous avons besoin d’eux pour armer les réas Covid. »

*Les prénoms ont été changés

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Ces étudiants estiment avoir une formation « très dégradée ».

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