Les rancoeurs de la « promo Covid »
Mobilisation Les élèves infirmiers anesthésistes affrontent la deuxième vague dans les hôpitaux de l’AP-HM. Et ce aux dépens de leurs études
Ils s’appellent déjà la «promo Covid». A la fin du mois de septembre, l’assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) annonçait dans un communiqué pouvoir prochainement s’appuyer sur ces élèves infirmiers anesthésistes, actuellement en formation. C’est désormais chose faite pour Roxane*, qui, après avoir été réquisitionnée pour la première vague, rempile ces jours-ci à l’hôpital Nord de Marseille, comme une trentaine de ses collègues. Sauf que, cette fois, la pilule ne passe pas.
«Les réanimations ne vont pas bien depuis des années et, là, on a l’impression de devoir combler un manque, lance Louise. Mais on n’est pas des saintes ! » « On n’est qu’un symptôme de la gestion catastrophique de l’hôpital, enchaîne Roxane. Mon sentiment, c’est qu’ils récupèrent les étudiants pour pouvoir donner les congés annuels aux agents. » Mathilde* enfonce encore un peu plus le clou : « On comprend très bien la crise sanitaire, mais là, tout nous est imposé, on se sent manipulés. On essaie de faire entendre que notre formation est très dégradée.»
« En termes de connaissances, on risque d’être très pauvres. » Louise, élève infirmière
Cette fois-ci, mieux équipée en masques et blouses, Roxane, qui ne pourra pas effectuer ses deux mois de stage en anesthésie, découvre un nouveau contexte. « L’ambiance est tout autre dans l’unité, avec des malades qui ne sont plus traités à l’hydroxychloroquine et qui restent donc très contagieux, relate-t-elle. Aussi, les patients, souvent éveillés, ont peur. La philosophie étant d’entuber le moins possible. » « Ils se tirent une balle dans le pied, se désole Louise. On est bien formés quand on a des stages variés. On est leur avenir, mais, en termes de connaissances, on risque d’être très pauvres. Je ne suis pas sûre qu’on soit de bons professionnels en sortant. Après la première vague, quand je suis retournée en stage, je n’arrivais plus à effectuer certains gestes. » « Nous entendons l’inquiétude, elle est légitime et nous allons tout faire pour les accompagner dans un parcours valorisé, qui passera à la fois par le bloc opératoire et la réanimation pour valider les compétences, tente de rassurer Karen Inthavong, directrice et coordinatrice générale des soins à l’AP-HM. On sera très attentifs à l’acquisition des compétences. » Et d’ajouter : «On ne fait pas comme à Paris : on prend soin de nos personnels, on maintient les vacances et on met en place un vrai accompagnement, y compris pour les étudiants. On va devoir rouvrir massivement des lits et nous avons besoin d’eux pour armer les réas Covid. »
*Les prénoms ont été changés