La municipalité à la chasse aux terres agricoles
La municipalité a identifié plus de deux cents hectares qui pourraient être «récupérés» par des exploitants urbains
Des champs, un âne et un cheval, au bout d’une impasse tortueuse, dans le calme le plus absolu. Seules les barres d’immeuble et la Bonne Mère, en arrière-plan, rappellent que, malgré les apparences, nous sommes bien dans les quartiers Nord de Marseille, dans le 14e arrondissement. Il y a six ans, quatre jeunes Marseillais ont décidé de s’installer sur ce lopin de terre du quartier de Sainte-Marthe pour y bâtir Terre de Mars.
Contre la « bétonisation »
La petite ferme urbaine de 2 ha cultivés fait figure d’exception dans une ville autour de laquelle les constructions poussent comme des champignons. Mais elle est un modèle pour le nouveau maire socialiste. A l’occasion d’une visite, ce lundi, dans cette ferme, Benoît Payan a affirmé sa volonté de « sanctuariser ses terres ». Comme pour acter une rupture avec son prédécesseur, Jean-Claude Gaudin (LR), accusé par ses opposants de souffrir d’une fièvre bâtisseuse. « Les terres vierges à Château-Gombert ou à La Valentine ont été appelées des zones à urbaniser, s’indigne Benoît Payan. C’est d’une violence inouïe. C’était des zones pour délivrer des permis de construire et massacrer avec la bétonisation. On va passer toutes ces zones en zone agricole. » A quelques mètres, plusieurs immeubles flambant neufs viennent de sortir de terre. Selon l’adjointe en charge de l’agriculture urbaine, Aïcha Sif, « Marseille compte 239 ha de terrains agricoles qu’on peut récupérer ».
« Il y a une vraie question autour du foncier, estime Pablo Cano-Rozain, l’un des quatre cogérants de Terre de Mars. Si la métropole déclasse les zones naturelles habitables en zone agricole, cela fait plus de terres pour les agriculteurs. »
Car c’est bien la métropole, dirigée par l’ancienne candidate LR aux municipales, Martine Vassal, qui est au coeur de ce dossier, en tant que collectivité qui dessine le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi). « Nous allons demander des modifications du PLUi, affirme Mathilde Chaboche, adjointe en charge de l’urbanisme. La métropole n’a pas à dire ce que la ville doit faire en règle d’urbanisme. On commencera à tout mettre en place pour avril, afin de lancer l’enquête publique à l’automne, pour un vote prévu entre fin 2021 et début 2022 en conseil municipal, puis territorial et métropolitain. » Contactée, la métropole affirme vouloir « faire basculer le foncier en zone agricole (…) dès lors que le secteur géographique concerné possède un vrai potentiel ». Et d’avertir : « Dans le cadre juridique de la modification du PLUi, une partie des zones à urbaniser doit rester dédiée à l’ouverture à l’urbanisation afin de rester conforme aux objectifs de production de logements ». Selon la métropole, « 201 ha ont été basculés en terres agricoles dans le PLUi adopté le 19 décembre 2019 ».