Une robe noire ne protège pas du virus
Justice Les avocats aussi subissent la crise sanitaire dans les Bouches-du-Rhône
Le département a été précurseur. A la suite d’une décision gouvernementale, les avocats auraient pu se retrouver dans l’impossibilité de recevoir leurs clients après 18 h. Or, cette profession, en journée, est souvent au tribunal, au commissariat ou en prison – côté visiteurs, s’entend. Heureusement pour eux, le préfet des Bouches-du-Rhône a indiqué début février, dans un courrier au bâtonnier, qu’une dérogation leur permettait d’ouvrir leurs portes après l’heure fatidique du couvre-feu.
Mercredi, le Conseil d’État a jugé en sus que l’absence de cette dérogation portait «une atteinte grave et manifestement illégale» aux libertés fondamentales. « Notre activité nécessite des plages horaires de réception différentes que d’autres professions, indique Me JeanRaphaël Fernandez, bâtonnier du barreau de Marseille. Nous nous sommes adaptés à la crise, notamment à travers les visioconférences. Mais cela nécessite que les citoyens soient équipés, or la fracture numérique existe. De plus, la relation avocat client est basée sur la confiance et le secret professionnel. Recevoir nos clients est un élément indispensable à cette relation.»
Reste que la crise sanitaire a tout de même des conséquences sur la profession. Les rendez-vous sont souvent plus espacés, car il y a obligation de désinfecter les locaux. Sur le plan déontologique, on a «le problème de la publicité des audiences, indique Me Frédérique Chartier, avocate marseillaise. Elles sont d’ordinaire publiques, ce qui est une condition de l’impartialité de la justice. Or, certaines se tiennent aujourd’hui quasiment à huis clos.» Ensuite, «les permanences gratuites à la Maison de l’avocat n’ont plus lieu en présentiel, elles se font par téléphone, notamment pour les droits de l’enfant, des mineurs non accompagnés ou les expulsions locatives. Cela exclue de nombreuses personnes : ceux ne parlant pas bien français, les sourds, ceux qui n’ont pas de téléphone… »
Mais les décisions de la préfecture et, récemment, du Conseil d’État, rassurent une profession qui, comme d’autres, rencontre des difficultés économiques. La réorganisation du travail a fait apparaître de nouvelles activités, notamment en droit social où « des cabinets ont dû répondre à de nouveaux besoins », soutient le bâtonnier. Par ailleurs, «nous multiplions certaines procédures devant le tribunal administratif puisque, tout fonctionnant au ralenti, l’administration se met parfois en défaut », complète Me Chartier. Enfin, les cabinets ont pu bénéficier de fonds de solidarité et de reports de charges, notamment de la part de l’Urssaf. Il n’empêche : « Ces reports ne sont pas synonymes d’effacement, tient à souligner Me Fernandez. Les vraies difficultés pourraient advenir quand viendront les échéances. L’impact n’est donc pas derrière nous, et nous restons attentifs.»
Les cabinets ont pu bénéficier de fonds de solidarité et de reports de charges.