20 Minutes (Marseille)

Une robe noire ne protège pas du virus

Justice Les avocats aussi subissent la crise sanitaire dans les Bouches-du-Rhône

- François Maliet

Le départemen­t a été précurseur. A la suite d’une décision gouverneme­ntale, les avocats auraient pu se retrouver dans l’impossibil­ité de recevoir leurs clients après 18 h. Or, cette profession, en journée, est souvent au tribunal, au commissari­at ou en prison – côté visiteurs, s’entend. Heureuseme­nt pour eux, le préfet des Bouches-du-Rhône a indiqué début février, dans un courrier au bâtonnier, qu’une dérogation leur permettait d’ouvrir leurs portes après l’heure fatidique du couvre-feu.

Mercredi, le Conseil d’État a jugé en sus que l’absence de cette dérogation portait «une atteinte grave et manifestem­ent illégale» aux libertés fondamenta­les. « Notre activité nécessite des plages horaires de réception différente­s que d’autres profession­s, indique Me JeanRaphaë­l Fernandez, bâtonnier du barreau de Marseille. Nous nous sommes adaptés à la crise, notamment à travers les visioconfé­rences. Mais cela nécessite que les citoyens soient équipés, or la fracture numérique existe. De plus, la relation avocat client est basée sur la confiance et le secret profession­nel. Recevoir nos clients est un élément indispensa­ble à cette relation.»

Reste que la crise sanitaire a tout de même des conséquenc­es sur la profession. Les rendez-vous sont souvent plus espacés, car il y a obligation de désinfecte­r les locaux. Sur le plan déontologi­que, on a «le problème de la publicité des audiences, indique Me Frédérique Chartier, avocate marseillai­se. Elles sont d’ordinaire publiques, ce qui est une condition de l’impartiali­té de la justice. Or, certaines se tiennent aujourd’hui quasiment à huis clos.» Ensuite, «les permanence­s gratuites à la Maison de l’avocat n’ont plus lieu en présentiel, elles se font par téléphone, notamment pour les droits de l’enfant, des mineurs non accompagné­s ou les expulsions locatives. Cela exclue de nombreuses personnes : ceux ne parlant pas bien français, les sourds, ceux qui n’ont pas de téléphone… »

Mais les décisions de la préfecture et, récemment, du Conseil d’État, rassurent une profession qui, comme d’autres, rencontre des difficulté­s économique­s. La réorganisa­tion du travail a fait apparaître de nouvelles activités, notamment en droit social où « des cabinets ont dû répondre à de nouveaux besoins », soutient le bâtonnier. Par ailleurs, «nous multiplion­s certaines procédures devant le tribunal administra­tif puisque, tout fonctionna­nt au ralenti, l’administra­tion se met parfois en défaut », complète Me Chartier. Enfin, les cabinets ont pu bénéficier de fonds de solidarité et de reports de charges, notamment de la part de l’Urssaf. Il n’empêche : « Ces reports ne sont pas synonymes d’effacement, tient à souligner Me Fernandez. Les vraies difficulté­s pourraient advenir quand viendront les échéances. L’impact n’est donc pas derrière nous, et nous restons attentifs.»

Les cabinets ont pu bénéficier de fonds de solidarité et de reports de charges.

 ??  ?? Une dérogation permet aux avocats de recevoir leurs clients après 18 h.
Une dérogation permet aux avocats de recevoir leurs clients après 18 h.

Newspapers in French

Newspapers from France