Un moment de « panique générale »
Au dixième jour du procès Guérini, jeudi, son ancien directeur de cabinet est revenu sur les accusations de destruction de preuves
Au neuvième étage du conseil général des Bouches-du-Rhône, réservé à la garde rapprochée, en ce jour d’automne 2009, Jean-Noël Guérini « court dans tous les sens », à en croire son ancien directeur de cabinet, Rémy Bargès. « Il disait : ‘‘Est-ce qu’il n’y a rien qui traîne ?‘‘ », se souvient ce dernier à la barre, en ce dixième jour du procès Guérini au tribunal correctionnel de Marseille.
Les investigations sur cette vaste affaire des marchés publics potentiellement truqués, impliquant le président du conseil général et son frère Alexandre, en sont alors à leurs balbutiements. Jean-Noël Guérini sait qu’une enquête préliminaire sur le sujet a été ouverte en avril. La presse commence à s’en faire l’écho, à l’automne 2009. Dans ce contexte, le 30 novembre 2019, à 9 h 45, les gendarmes de la section de recherches se présentent au conseil général en vue d’une perquisition. JeanNoël Guérini et son directeur de cabinet sont en Pologne. Les enquêteurs souhaitent mettre la main sur les ordinateurs de deux proches collaboratrices de Rémy Bargès, ainsi que sur ceux des assistantes personnelles de Jean-Noël Guérini. Mais ils repartent… bredouilles.
« La culture de la discrétion »
« Ce que les gendarmes vont indiquer, c’est que ce matériel informatique aurait été changé entre le 17 et le 19 novembre, voir le 20 », rappelle la présidente du tribunal de Marseille, Céline Ballerini. Quelques jours plus tôt, alors que les articles de presse se multiplient, la « panique générale » aurait en effet gagné le bateau bleu, selon Rémy Bargès. Un « climat anxiogène » qui aurait poussé le directeur de cabinet à « accélérer le changement » de certains ordinateurs. L’opération, envisagée après des bugs informatiques, est précipitée, selon lui, pour éviter d’éventuelles fuites médiatiques. « J’avais la culture de la discrétion, le souci de mettre à l’abri des informations à caractère politique », justifie à la barre Rémy Bargès, aujourd’hui poursuivi pour destruction de preuves. Il affirme n’avoir jamais eu l’intention de « dissimuler des choses à la justice » et évoque une simple « bêtise ».
S’il assume d’avoir commandité le remplacement des ordinateurs de ses collaboratrices, il se dit « pris au piège » d’avoir accepté la demande de remplacement des ordinateurs des assistantes de Jean-Noël Guérini. Des femmes accusées par Rémy Bargès et son avocat de faire partie d’un « cabinet noir » autonome, au service d’un « système clientéliste » piloté par le président du conseil général, à coups d’attributions d’emploi, de subventions ou de logements. Des accusations réfutées en bloc par Jean-Noël Guérini. « Vous avez été un bon directeur de cabinet, mais le mensonge ne sert à personne », s’agace-t-il. Plus tôt dans la journée, l’ancien président du conseil général, persuadé que cette affaire a pour source son adversaire politique Renaud Muselier, avait lancé à la barre du tribunal : « Un jour, je dirai la vérité sur ce qu’on m’a fait subir. »