Tellement proches
Le président (LR) sortant, Renaud Muselier, et le candidat (RN) Thierry Mariani arrivent quasiment à égalité au soir d’un premier tour des régionales marqué par une abstention record.
Seule certitude : la région Paca restera à droite. La France entière avait les yeux tournés vers elle, car le Rassemblement national semblait y être en position d’apporter à l’extrême droite sa première région. Les résultats ont déjoué les pronostics d’un scrutin où l’abstention a tutoyé des sommets jamais atteints. MARIANI, MOINS BIEN QUE MARÉCHAL. Le casting semblait parfait pour le Rassemblement national. En recrutant Thierry Mariani, ex-ministre de Nicolas Sarkozy, le parti de Marine Le Pen tenait son totem de normalisation. Une normalisation peut-être telle, que le RN, dont l’électorat se montre d’ordinaire fidèle, subit désormais aussi les effets de l’abstention. Avec 35,5 % des voix exprimées, Mariani fait moins bien que Marion Maréchal-Le Pen en 2015. Un score qui place Thierry Mariani en ballottage défavorable, alors qu’il était donné gagnant au second tour dans les sondages pré- électoraux. « Ce n’est pas une fatalité », a-t-il répété deux fois, s’estimant « première victime » de l’abstention. MUSELIER A TOUTES LES RAISONS D’Y CROIRE, MAIS… À l’inverse de son ancien ami de l’UMP et adversaire dans cette élection, Renaud Muselier avait le sourire, dimanche soir, se réjouissant d’avoir « déjoué tous les sondages ». Talonnant d’un point la liste de Thierry Mariani, le président de région sortant, et ses 33 %, estime pouvoir « gagner cette élection ». Renaud Muselier, qui espérait notamment de Jean-Laurent Félizia, le candidat du rassemblement social et écologique, une « prise de responsabilité face à l’extrême droite » et un « dépassement des clivages », va cependant devoir composer avec le maintien de ce dernier au second tour. FÉLIZIA SE MAINTIENT. À 22 h 30, JeanLaurent Félizia et ses colistiers annoncent se maintenir au second tour des élections. Sa liste de rassemblement social et écologique a emporté un peu plus de 15 % des suffrages et veut être présente dans l’assemblée régionale. « Nous n’avons pas proposé aux électeurs de la gauche et de l’écologie de voter pour leurs idées, pour leur proposer ensuite de disparaître et de s’effacer pendant les six prochaines années », a-t-il déclaré dans la soirée. Une décision qui risque de peser lourd dans le résultat final de cette élection. GOVERNATORI, FAISEUR DE ROI ? Avec tout juste plus de 5 % des voix, JeanMarc Governatori, candidat de l’écologie du centre, n’est pas en position de se maintenir au second tour mais peut mener des négociations pour une éventuelle fusion de liste. Son choix devrait naturellement se tourner vers Renaud Muselier, pour lui porter une caution « verte ». Si les voix s’additionnent correctement, et sans présager du comportement des électeurs s’étant portés sur l’une des cinq autres listes sous les 5 %, Renaud Muselier devancerait mathématiquement Thierry Mariani d’un peu plus de deux points.
Un scrutin miné par un effondrement de la participation. Au premier tour des régionales ce dimanche, l’abstention atteindrait entre 66,1 % et 68,6 %, un record tous scrutins confondus en France hors référendum. Pour le reste, Les Républicains arriveraient en tête sur l’ensemble du territoire (entre 27,2 et 29,3 %) devançant le Rassemblement national (autour de 19 %), les listes conduites par le PS (entre 16,5 et 17,6 %), EELV (environ 12 % des voix) et LREM (10-11 %). Quels enseignements tirer de ce premier tour ? L’OPPOSITION ACCUSE L’EXÉCUTIF D’ÊTRE RESPONSABLE DE L’ABSTENTION. Tous les responsables politiques ont regretté la faiblesse historique de la participation. L’opposition a d’ailleurs mis en cause la responsabilité de l’exécutif. « Ce soir, le gouvernement a gagné, car il cherchait l’abstention massive », a fustigé le numéro 2 du RN, Jordan Bardella, sur TF1. « Il y a dans l’organisation du scrutin une responsabilité énorme du gouvernement, jamais il n’y a eu un tel cafouillage », a abondé le patron de LR, Christian Jacob, dénonçant le problème des professions de foi non reçues par certains électeurs. Des critiques balayées par Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, qui a évoqué « la situation sanitaire » et rappelé que le maintien du scrutin avait été validé par « toutes les formations politiques ». LA CONTRE-PERFORMANCE DU RN. En tête dans six régions en 2015, le parti de Marine Le Pen ne serait en pole position qu’en Paca, où Thierry Mariani devancerait légèrement le président LR sortant, soutenu par la majorité, Renaud Muselier. Le RN enregistre 9 points de moins qu’en 2015. « Le RN n’atteint pas les scores espérés dans les Hautsde-France, en Nouvelle-Aquitaine, en Auvergne, en Occitanie, dans le GrandEst… », énumère Luc Rouban, chercheur au Cevipof. « Il semble être touché par une abstention différentielle : son électorat s’est moins déplacé que celui des blocs traditionnels, de droite et de gauche, qui se sont remis en selle. » Pour le RN, l’espoir réside en Paca, qui se jouera dans une triangulaire, après le maintien annoncé de l’écologiste JeanLaurent Felizia au second tour. PS ET DROITE, LA PRIME AUX SORTANTS. L’abstention semble avoir privilégié les présidents sortants, qui distancent parfois largement leurs rivaux et pourraient être réélus au second tour. Qu’ils soient socialistes, comme Carole Delga en Occitanie et Alain Rousset en Nouvelle-Aquitaine, ou LR, comme Jean Rottner dans le Grand-Est. À droite, le patron des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, arrive nettement en tête et devrait sauver sa peau, comme sa candidature à la présidentielle, dimanche prochain face au candidat RN. Laurent Wauquiez (LR) en Auvergne-RhôneAlpes et Valérie Pécresse (Libres) en Île- de-France, ses possibles concurrents pour 2022 à droite, font aussi la course en tête. UNE CLAQUE POUR LREM ET LE GOUVERNEMENT. La majorité n’espérait pas grandchose du scrutin, si ce n’est de pouvoir jouer les faiseurs de roi. Mais, dans les Hauts-de-France, malgré la présence de cinq ministres, en Occitanie et en Auvergne-Rhône-Alpes, les listes LREM sont sous les 10 % et ne pourront même pas se maintenir en vue du second tour. « On retrouve le scénario des municipales : quand ils ne s’associent pas à LR, ils paient leur manque d’implantation territoriale », résume Luc Rouban. Les ministres Modem Marc Fesneau en Centre-Val-de-Loire (16 %) et Geneviève Darrieussecq (14 %) en Nouvelle-Aquitaine font un peu mieux, mais leur troisième place ne devrait pas leur permettre de l’emporter.