Dans le village qui vote comme la France, on voit Marine Le Pen « finir très haut »
Dans ce village cerné de champs de céréales, 1700 âmes choisissent régulièrement le même camp que la France. Donzy incarne l’une de ces « villes miroirs » du corps électoral depuis 1981, le fantasme d’une petite France dont le vote annoncerait celui du reste du pays, parfois au centième près. En 2007, le dépouillement du bureau local avait donné les douze candidats dans des ordres de pourcentage presque calqués sur la carte nationale. Une prouesse que ne s’explique toujours pas Jean-Paul Jacob, le maire divers droite de la commune. « On ne peut pas dire qu’on soit tout à fait représentatifs du pays. Ici, c’est un village rural, avec beaucoup d’agriculteurs, des personnes plutôt âgées et pratiquement aucune immigration. »
« C’est un pays bloqué »
Didier, qui tient le bistrot le plus en vue de la place, explique que l’Europe n’a pas bon dos dans le village. A cause d’elle, entre autres choses, « Marine Le Pen sera en tête et elle fera entre 40 et 50 % au deuxième tour ici », pronostique-t-il. C’est qu’il en voit défiler du monde, toute la journée. Juste en face de lui, Caroline a monté un cabinet d’esthétique. Cette mère de trois enfants se place à droite sur l’échiquier politique, mais elle avait voté Hollande en 2012 « pour faire barrage au FN ». « Parce que moi, les extrêmes, ce n’est pas mon truc, justifie-t-elle. Mais je comprends les gens qui se laissent tenter, il faut que ça change. J’arrive à peine à me payer six mois par an, et l’an passé, le RSI [régime social des indépendants] m’a tiré la moitié de mon bénéfice, 7 000 € ». A 33 ans, Vincent a, lui, fait le choix de revenir à Donzy après une belle expérience en Nouvelle-Calédonie. « Dès que je peux, je partirai à l’étranger, la France, c’est un pays bloqué, on ne peut rien faire. Le FN, c’est pas ma came, mais il faut taper du poing sur la table. Chez Hamon, il y a des trucs qui me plaisent, mais c’est comme s’il n’arrivait pas à se faire entendre. Peutêtre Mélenchon... » Le leader de La France insoumise a son petit succès dans les rues du village, comme les abstentionnistes, dont certains purs et durs. Mais les indécis restent de loin les plus nombreux. Sûrement « un vote caché pour le FN », croit savoir Frédéric, producteur de foie gras. Jean-Michel, propriétaire de la quincaillerie, embraye : « Ici, on vit le déclin tous les jours. La mondialisation a fait trop de perdants et les gens en ont ras le bol. Macron, il va faire un four. A part les bobos parisiens, qui va voter pour lui ? Le Pen va finir très haut. » Un scénario qu’aurait du mal à imaginer le maire Jean-Paul Jacob.