Le cas Nabil Fekir en dit long sur la société
La célébration du Lyonnais sur son but, lors du derby à Saint-Etienne (0-5), fait polémique
Ça restera l’image du derby entre Saint-Etienne et Lyon. Auteur du cinquième but de l’OL à GeoffroyGuichard, Nabil Fekir est allé chambrer les supporters stéphanois. Et, depuis dimanche soir, l’international français subit un improbable procès. Pour avoir célébré son but, comme Messi ou Ronaldo l’ont fait avant lui, le Lyonnais a pris très cher. En direct sur Canal+, dans les éditos, sur les réseaux sociaux… « J’ai trouvé ça ridicule, avance Sidney Govou, ancien joueur de l’OL et consultant sur la chaîne cryptée. Je ne suis pas d’accord du tout avec la façon dont il a été traité. Fekir n’a pas été insultant, il n’a tué personne, il a juste montré son maillot. »
« C’est ça le foot ! »
Comme si on avait oublié que le principe de chambrer son adversaire était l’une des raisons pour lesquelles on joue au ballon rond. Le foot est toujours le même, c’est la société qui a changé. « Toute personne publique est bonne pour servir la morale, note Thibaud Leplat, journaliste et auteur de Football
à la française. On se sert des joueurs de foot pour faire de la morale à peu de frais sur leur dos. » Même son de cloche chez Joachim Barbier, auteur de Ce pays
qui n’aime pas le foot : « On a d’importants problèmes sociétaux à régler. On donne au foot un rôle. Les censeurs n’arrivent pas à imaginer l’état émotionnel dans lequel Fekir est quand il fait le geste. Il est devenu le héros d’une ville. C’est ça le foot ! » Et forcément, quelque part, c’est l’histoire d’un conflit générationnel. Quand l’ancien joueur Eric Carrière stigmatise en direct le « besoin de faire du buzz » du Lyonnais, il entérine surtout les différences entre les deux époques. « Fekir s’inscrit dans cette génération qui explose sur les réseaux sociaux, très à l’aise avec les outils de communication, analyse l’entrepreneuse Emmanuelle Duez, l’étendard de la génération Y. Ça pose un problème aux gens qui ne maîtrisent pas ces codes. » Le footballeur a un devoir d’exemplarité. C’est comme ça, paraît-il. Ce geste peut-il, du coup, avoir des conséquences à un niveau inférieur ? « Le foot est le reflet de la société, que ce soit en pro ou en amateur, juge Christophe, entraîneur de jeunes dans la région lyonnaise. En tant qu’éducateur, je vois des choses bien pires. » Alors, on attendra de voir si la commission de discipline de la Ligue, qui s’est saisie du dossier Fekir, décide de le suspendre. « Je n’ose même pas l’imaginer, estime Govou. On est en train d’oublier que ça reste un jeu. On va finir aseptisé. »