« Paris diffuse sa norme »
Vous dites « Il fait soleil » et vos amis parisiens passent leur temps à vous reprendre ? Votre français ne vaut pas pourtant moins qu’un autre. 20 Minutes a rencontré le linguiste Mathieu Avanzi, qui a publié L’Atlas du français de nos régions (éd. Armand Colin) et défend tous les parlers.
Comment avez-vous commencé à travailler sur les français de nos régions ?
Au départ, c’était un projet allemand et anglais lancé sur smartphone. Pour le mien, on a utilisé les smartphones et les réseaux sociaux. Quand je me suis lancé, je me disais que ce serait génial si on arrivait à avoir 1000 participants. Au bout d’un mois, on en avait 12000. Les contributeurs étaient impliqués, donc j’ai créé un blog* et une page Facebook afin de mieux échanger avec eux.
Comment choisissez-vous les participants à vos enquêtes ?
J’ai mis au point un questionnaire qui demande aux gens leur âge, où ils ont passé leur jeunesse… Je leur demande aussi de dire s’ils ont de la famille dans une autre région qui les a ouverts à un autre accent. Je vois ainsi ce qui est régional et ce qui ne l’est pas. C’est de la géographie linguistique.
Pourquoi est-il important de rendre justice aux vocabulaires régionaux ?
Le parler régional est connoté très négativement. On dit souvent aux gens avec un accent qu’ils ne parlent pas un bon français. Mais, aujourd’hui, alors que toutes les villes se ressemblent, qu’on nous a privés de nos provinces, la langue est le dernier rempart pour défendre notre identité.
A Tours, on a tendance à se vanter de parler le meilleur français…
Historiquement, Tours était tout près de l’Ile-de-France, donc la langue avait un certain prestige. Mais ils ne parlent pas un meilleur français que dans le Nord, ils parlent un français comme à Paris, qui se définit par l’absence de mots qu’on retrouve ailleurs. Paris est la capitale, qui diffuse sa norme.
Et d’où viennent les mots locaux ?
Les différences qu’on perçoit viennent en partie des langues et des patois locaux. Par exemple, le mot « dégun », qui vient du latin nec unum et signifie « il n’y a personne », est passé dans la langue occitane puis dans le français. Il y a d’autres différences liées à l’évolution de la langue. En français classique, on disait « déjeuner, dîner et souper ». Puis Paris a changé et dit « petit déjeuner, déjeuner et dîner ». * bit.ly/23XhATl