Comment le tueur a-t-il pu échapper à toute surveillance?
L’attaque mortelle de Liège soulève des questions sur le traitement des détenus radicalisés.
Au lendemain de l’attaque de Liège, qui a tué trois personnes et qui a été revendiquée par Daesh mercredi, la Belgique s’interroge. Car Benjamin Herman, suspecté d’être l’auteur des faits, figurait dans les rapports des services de renseignement et avait fait l’objet d’une évaluation par la CelEx, la cellule consacrée aux profils extrémistes dans les prisons belges. Mais il n’avait pas été inscrit dans la banque de données des détenus jugés dangereux. Autant d’éléments soulevant des interrogations. Deux mois après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, le gouvernement belge s’est doté d’un plan d’action contre la radicalisation dans les prisons. Parmi les mesures : la création d’une cellule « extrémisme » dont la fonction est de lister et d’identifier les détenus en fonction de leur degré de radicalisation et évaluer régulièrement ces profils. Une fois cette identification réalisée, plusieurs régimes de détention existent, de l’isolement au placement en « D-Rad : Ex », l’équivalent de nos unités qui regroupent les prédicateurs les plus dangereux. Si le suspect de Liège a fait l’objet d’une évaluation de la cellule « extrémisme », le moindre de ses faits et gestes a dû être consigné.
Des surveillants en colère
Autre élément d’incompréhension : comment un homme dont le nom avait été communiqué à cette fameuse CelEx a pu bénéficier de quatorze congés pénitentiaires depuis sa première incarcération ? Selon Nicolas Cohen, de l’Observatoire international des prisons (OIP) en Belgique, les 237 détenus inscrits sur cette liste ont droit à un traitement plus strict que les autres : « Ce qu’on constate, c’est une quasi-impossibilité pour ces prisonniers d’obtenir un congé pénitentiaire, une surveillance électronique ou une libération conditionnelle. » De quoi déclencher la colère des agents pénitentaires. Didier Breulheid, ancien surveillant et référent syndical CSC en charge de la justice, confie : « Ils ne se sentent pas responsables mais ils sont en rage. Ils ont le sentiment qu’on accorde des faveurs à la population détenue et qu’eux ne peuvent pas travailler correctement. » Seules les équipes des cinq prisons désignées « satellites » bénéficient aujourd’hui d’une formation consacrée à la radicalisation. Un dispositif au rabais pour le syndicaliste : « En réalité, on a juste formé pendant trois journées quelques membres du service psychosocial et quelques agents. Tout ça, c’est de la poudre aux yeux. »