Le pari (risqué?) de se lancer en Bourse après la crise
Avec la crise, de nouveaux investisseurs se sont lancés. Pour le meilleur?
Après avoir dévissé à cause la pandémie de Covid-19, les marchés boursiers ont commencé leur remontée. Depuis début juin, l’indice du CAC40 flirte avec la barre des 5 000 points. C’est encore loin des plus de 6100 du 19 février, mais mieux qu’au 18 mars, où le cours avait touché le fond, à 3754 points. Pariant sur un rebond, de nombreux particuliers se sont mis à investir, flairant les plus-values. Mais se lancer en Bourse en ce moment est-il une bonne idée?
Certains magazines spécialisés l’assurent et détaillent déjà comment procéder. «C’est le moment d’investir en Bourse», avait même lancé, le 10 mars, la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie Agnès PannierRunacher, suscitant la polémique. Pour autant, Andrea Tueni, directeur de la relation client chez le courtier Saxo Bank, invite à la prudence. Le spécialiste évoque des marchés «erratiques», guidés par deux forces qui s’opposent : d’un côté, les mesures prises par les gouvernements, qui incitent à l’optimisme ; de l’autre, l’incertitude liée à la pandémie, dont les marchés tiennent compte en l’absence de vaccin.
Aussi, la perspective d’une reprise en V (une chute brutale suivie d’un rebond équivalent) convainc de moins en moins. Certaines études consacrées aux conséquences économiques de pandémies antérieures montrent qu’«on a des séquelles sur les comportements d’investissement et d’épargne qui peuvent durer pendant plusieurs décennies », explique Christopher Dembik, chef économiste de Saxo Bank. En Europe, «on va être pénalisé par un manque d’ambition du côté des politiques budgétaires», poursuit-il. Selon lui, le plan de relance de la Commission européenne de 750 milliards d’euros, dont les subventions devraient être versées entre 2023 et 2024, arrivera trop tard. Quant aux budgets européens destinés à renforcer l’économie européenne, « au mieux vous allez avoir 0,08% du PIB européen par an [qui y sera consacré]», ce qui est insuffisant.
Une rentrée incertaine
Pour l’heure, les marchés sont en hausse, mais la donne pourrait changer à la rentrée à l’annonce des faillites, des restructurations et des hausses du chômage. « Une nouvelle phase de baisse ne peut être exclue, suscitée par un possible regain de la pandémie ou des révisions massives à la baisse des bénéfices des entreprises en 2020 », souligne aussi la Banque de France dans son rapport publié mardi. Bref, pour investir, Alexandre Garel, enseignant-chercheur en finance à Audencia Business School, rappelle qu’« il faut être prêt à ce que cet argent ne soit pas mobilisable et rester long et diversifié », c’est-à-dire sur des périodes de dix à vingt ans.
La perspective d’une chute brutale suivie d’un rebond équivalent convainc de moins en moins.