Les aires protégées par l’Etat sont-elles sans filet ?
Biodiversité L’Etat va protéger 30% de son territoire, dont 10 % en protection forte
Protection forte de 250 000 ha de forêt, création ou extension de 20 réserves naturelles nationales, création de deux parcs naturels régionaux, protection de 6 000 ha de littoral… Mardi dernier, le gouvernement a adopté sa stratégie nationale des aires protégées, qui vise à placer, dès 2022, ces dernières sur 30 % de nos territoires terrestres et maritimes, dont 10 % sous protection forte.
Cet objectif sera au coeur des négociations de la COP15 biodiversité, prévue en fin d’année en Chine. Emmenée par le Costa Rica et la France, « la Coalition pour la haute ambition pour la nature réunit les pays engagés à atteindre ce cap des 30 % et compte désormais une cinquantaine de membres», indique Yann Wehrling. L’enjeu est capital pour l’ambassadeur de France à l’environnement : «Préserver la biodiversité nécessitera de s’attaquer à des changements profonds, notamment dans l’agriculture. Mais cela prend du temps. En parallèle, les aires protégées peuvent être déployées rapidement. C’est ce qu’arrivent à faire plutôt bien les Etats.» Mais il ne suffit pas de multiplier les aires protégées pour que la stratégie soit couronnée de succès. La France n’est pas à l’abri de créer des coquilles vides, indique Maxime Paquin. Le chargé de mission biodiversité à France nature environnement rappelle que la France a déjà quasiment atteint, sur le papier, cet objectif des 30 % : « C’est un terme générique derrière lequel on trouve une trentaine de statuts, dont les degrés de protection varient », précise-t-il. Maxime Paquin trouve aussi à redire sur les territoires sous protection forte. Sont notamment concernés les coeurs de parcs nationaux, qui encadrent fortement les activités humaines. «Sauf celui du Parc national de forêts entre Champagne et Bourgogne [dernier parc à avoir été créé, fin 2019], regrette-t-il. On peut toujours y cultiver les céréales de manière intensive, pratiquer la chasse à courre, faire des coupes rases de parcelles forestières. »
Répartition inégale
De mauvais augure pour la suite? C’est sur la protection forte – les fameux 10% – que se joue l’essentiel des enjeux. La France est en retard sur cet objectif, avec seulement 1,5% du territoire aujourd’hui concerné. Surtout, la répartition est inégale. En ce qui concerne les espaces maritimes, 80% de cette protection est concentrée sur un territoire : les Terres australes et antarctiques françaises, relèvent des scientifiques du Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement. «Cela revient à créer des aires en protection forte là où il y a peu d’enjeux, tout simplement parce que les activités humaines y sont très faibles, lance Maxime Paquin. Elles auraient bien plus d’impact si elles étaient créées en métropole. »
La France n’est pas à l’abri de créer des coquilles vides.