Superhéros du terroir français
La sortie de Comment je suis devenu superhéros, sur Netflix, ce vendredi, nous rappelle que ces personnages existent bel et bien en France, et depuis longtemps
Les superhéros, c’est pas dans la culture française. » Combien de fois cette phrase a pu être prononcée, avec ses variantes sur le cinéma de genre et la sciencefiction. Or, cela ne peut pas être plus faux. Les superhéros français ne se limitent pas à Superdupont, comme le prouve la sortie du film Comment je suis devenu super-héros, ce vendredi sur Netflix (lire ci-dessous). Xavier Fournier ne dira pas le contraire : il en a trouvé pas moins de 300 pour les besoins de ses livres Super-héros, une histoire française et Super-héros français, une anthologie, chez HuginnMuninn. Exemples.
L’AMAZONE MASQUÉE, UNE VRAIE SUPERHÉROÏNE AU XIXe SIÈCLE.
« Il y a un truc effarant, commence Xavier Fournier. Ce n’est ni une BD, ni un roman, mais, en 1867, Paris a vu une femme masquée parcourir la ville à cheval. Des témoins la décrivent même armée de sabres. Le Figaro et d’autres journaux de l’époque lui ont couru après pendant un an et demi, pour savoir qui se cachait derrière l’Amazone masquée. Un phénomène médiatique à la Jack l’Éventreur. » Vingt ans plus tôt, Alexandre Dumas commençait la publication du feuilleton Le Comte de Monte-Cristo, « le grand-père de tous les grands-pères », selon le spécialiste. En effet, le roman s’est exporté aux États-Unis et, avec lui, la notion d’identité secrète, indissociable des superhéros et superhéroïnes.
NYCTALOPE ET LE PREMIER UNIVERS PARTAGÉ EN 1911.
Nyctalope, créé par Jean de La Hire en 1911, est souvent considéré comme le premier superhéros français, mais il s’agit surtout, selon Xavier Fournier, du premier univers partagé avec plusieurs personnages secondaires et une trentaine de romans : « Nyctalope est un héros qui, à la suite d’une tentative d’assassinat, a eu son coeur remplacé par un organe mécanique. Ses yeux, affectés, lui permettent de voir la nuit. Il est à la fois superhéros et explorateur, avec des aventures sur Mars, contre des hommes requins, etc. Mis en images, cela pourrait donner du pur Marvel. » Mais il est longtemps tombé dans l’oubli, et pour une bonne raison, Jean de La Hire est condamné pour collaboration à la sortie de la Seconde Guerre mondiale.
FANTAX, LE BATMAN FRANÇAIS DE 1946.
Avec son costume noir et rouge iconique, Fantax, créé en 1946, fait penser à « une sorte de Batman de bande dessinée, résume Xavier Fournier. Tu sens l’influence des héros américains. Il est un peu comme Arsène Lupin, mais règle ça avec les poings. Ses auteurs, les Lyonnais Marcel Navarro et Pierre Mouchot, étaient très inspirés par le cinéma de Lino Ventura, tu as donc un peu un superhéros chez les Tontons flingueurs. Il fume sa clope de travers, peut arracher une tête à coups de pelle. » À noter que le scénariste Marcel Navarro est également derrière les éditions Lug, qui ont ramené les premiers superhéros Marvel en France, et même créé leurs propres héros dans la revue Mustang, à l’instar de Mikros ou Photonik dans les années 1980.