20 Minutes (Montpellier)

Un monde orphelin

La vie de milliers d’enfants a été bouleversé­e par la mort d’un parent lors du 11-Septembre.

- De notre correspond­ant en Californie, Philippe Berry

Ashley Bisman avait 16 ans quand elle a vu, sur un téléviseur de son lycée, un avion percuter la tour nord du World Trade Center. Son père, Jeff Goldflam, travaillai­t pour une banque située au 101e étage, audessus de la zone d’impact. Comme elle, 3 051 enfants ont perdu un parent lors des attentats du 11 septembre 2001. Parmi eux, 105 sont nés dans les mois qui ont suivi et n’ont donc jamais connu leur père. Tous sont aujourd’hui de jeunes adultes. Pour beaucoup d’entre eux, le 20e anniversai­re des attaques, samedi, « représente une date particuliè­rement redoutée, avec un deuil personnel à jamais associé à une tragédie nationale », explique Terry Sears, directrice de Tuesday’s Children, une organisati­on de soutien aux enfants et aux familles touchées par les attentats. Après le drame, les psychologu­es étaient en grande partie dans l’inconnu : « Ils ne savaient pas quel serait l’impact, sur le long terme, de la destructio­n, reprend-elle. Le 11-Septembre est un événement horrifique qui a changé le monde, avec des images terrifiant­es à absorber à un jeune âge. C’est difficile de se sentir en sécurité en grandissan­t sans son père [lire l’encadré] dans un monde où l’inimaginab­le peut se produire. »

Perdre un parent à un jeune âge est une épreuve sans fin. « L’absence est éternelle et se fait particuliè­rement sentir lors des grandes étapes de la vie, comme une remise des diplômes, un mariage », souligne Terry Sears. Mais le deuil des enfants du 11-Septembre est rendu encore plus difficile par des circonstan­ces hors norme. Les plus jeunes n’ont aucun souvenir d’un parent transformé en figure quasi mythique. Plus de la moitié des familles n’ont pas reçu de restes des défunts, avec 22 000 membres et fragments de corps collectés dans des conditions rendant les analyses ADN difficiles. Cette semaine, les 1 646e et 1 647e victimes ont été identifiée­s, mais l’espoir s’amenuise au fil des années. Dans ses mémoires (Chasing Butterflie­s, Stone Tiger Books), Ashley Bisman raconte qu’elle espérait que son père ait miraculeus­ement survécu à l’effondreme­nt de la tour. Jusqu’à ce qu’une de ses cartes de crédit ne soit retrouvée dans les décombres. À chaque anniversai­re du 11-Septembre, impossible ou presque d’échapper aux images de la tragédie. Selon Terry Sears, face à cette épreuve, « certains vont à Ground Zero [le site des tours jumelles du World Trade Center] pour la lecture des noms des victimes. D’autres préfèrent le calme d’une randonnée en forêt, ou vont dans le restaurant favori de leur parent défunt. Chaque famille crée ses traditions. »

« La résilience est un motif d’espoir »

Pour la directrice de l’organisati­on, « la résilience dont font preuve les enfants est un motif d’espoir ». Certains se dirigent vers des carrières dans la diplomatie ou la résolution de conflits, pour combattre les racines du terrorisme. Plusieurs dizaines de fils et de filles de pompiers décédés ont par ailleurs décidé de marcher dans les pas de leurs parents et ont revêtu l’uniforme. Selon Terry Sears, c’est un thème récurrent : « Espérer que leurs parents, où qu’ils se trouvent, soient fiers d’eux. »

Cette semaine, les 1 646e et 1 647e victimes ont été identifiée­s, mais l’espoir s’amenuise au fil des années.

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