Quand les clients sont à la caisse
Les supermarchés coopératifs proposent une alternative au modèle salarial classique
La Louve, La Chouette Coop, Superquinquin… Derrière ces drôles de noms, des supermarchés d’un nouveau genre, dits « coopératifs ». Leurs adhérents sont à la fois clients, patrons et salariés (ou presque). Inspirées par La Louve, ouverte à Paris depuis un an, plus de 20 enseignes ont vu le jour en France. Toutes sont en phase « test ». Leur point commun : les coopérateurs paient une contribution unique au moment de leur adhésion (entre 10 € et 100 €) et participent au fonctionnement du magasin, trois heures par mois. Résultat, les prix sont en moyenne 20 % moins élevés que dans la grande distribution. « On a tellement peu de charges salariales, que ça permet de compenser », explique Léa, coordinatrice à Superquinquin, à Lille. Sept salariés à Paris, quatre à Lille, et même objectif à Nantes... Ces profes-
DROIT
sionnels assurent les tâches les plus qualifiées du magasin, comme la comptabilité, ou les commandes de produits. Les coopérateurs se chargent du reste (caisse, accueil, nettoyage, etc.). Depuis sept mois, Anne donne de son temps à Superquinquin pour assurer le bon déroulé des tâches attribuées aux membres. Le fait qu’il y ait très peu de salariés ne la choque pas, au contraire. « Aujourd’hui, dans les grands magasins, on scanne bien ses articles soi-même ! »
Moins de professionnels
Ce modèle alternatif ne fait pourtant pas l’unanimité. Thierry, créateur du magasin bio Saveurs et Saisons, dans la métropole lilloise, s’avoue « dubitatif ». « Les gens qui adhèrent à ce projet veulent être plus impliqués dans leurs consommations. C’est positif. Mais, d’un autre côté, ils remplacent les professionnels. Cela montre que des boulots vont disparaître. » Selon Chrystel, de La Chouette Coop à Toulouse, « le supermarché propose une piste de réflexion », et n’est pas là pour « régler les problèmes de salariat ». L’ambition n'est pas de se substituer aux modèles traditionnels. « Tout le monde ne va pas accepter de travailler trois heures dans le mois », estime Laure, coordinatrice du projet nantais. A ce jour, aucun magasin ne fait de bénéfices. « Il est prévu qu’on soit déficitaire les deux premières années », explique Pierre, de La Louve. Il aura fallu plus de quarante ans à la Park Slope Food Coop, le modèle newyorkais aux plus de 16 000 membres, pour asseoir sa réputation. Mieux vaut être patient.