Versailles branchée avec ses artistes électros
Air, Phoenix et aujourd’hui Saint Michel sont originaires de la ville des Yvelines
Rappelez-vous. L’an 2000. Cette année-là, le bug mondial n’eut pas lieu, mais le big bang de l’électro versaillaise secoua la planète. Air, suivi de près par Phoenix, sortaient des albums aux retentissements internationaux, aidés par la cinéaste Sofia Coppola qui utilisa la musique d’Air dans Virgin Suicides puis celle de Phoenix dans Lost in Translation. Même sans la future réalisatrice de Marie-Antoinette, Air et Phoenix avaient un destin mondial tout tracé, porté par la tendance French Touch. Cette même année 2000, Etienne de Crécy et Alex Gopher, passés, comme les membres d’Air, par le lycée JulesFerry de Versailles, sortaient eux aussi leurs premiers albums.
Et le monde de s’interroger : que se passe-t-il à Versailles pour qu’autant de musiciens électros de talent en jaillissent? En 2009, Thomas Mars et Laurent Brancowitz, de Phoenix, nous expliquaient que « l’ennui » était probablement le premier responsable. Un peu court, comme explication, jeunes hommes. Ce vendredi, un jeune artiste versaillais, Saint Michel, perpétue à sa façon la tradition de l’électro élégante du cru avec son second album, The Two of Us. Il a quitté Versailles à ses débuts en tant qu’artiste, mais Philippe Thuillier, Versaillais pur sucre passé par les scouts d’Europe et une préparation à Saint-Cyr, est revenu dans la ville de son enfance pour composer et enregistrer cet album. « Le directeur de la culture de la mairie de l’époque est venu me voir après un concert, en 2014, raconte le musicien. Il m’a écrit une vraie belle lettre manuscrite dans laquelle il me demandait comment il pouvait m’aider, au nom de la ville. Ça m’a touché. A l’époque, je cherchais un local parce que j’en avais un peu marre de vivre au milieu de mon matos. Je m’attendais à ce qu’il me trouve un petit truc et puis… voilà. » Depuis trois ans, Philippe jouit de près de 200 m2 au dernier étage de la bibliothèque royale de Versailles, avec vue imprenable sur l’Orangerie et les jardins du château. Assez fier de son coup avec la résidence de Saint Michel, le maire de la ville, François de Mazières, a une explication plutôt maligne à la généalogie d’artistes électros versaillais : « Il y a depuis longtemps de nombreux ensembles musicaux de très haute qualité à Versailles. De mon point de vue, l’électro est une musique savante. Il est donc naturel que Saint Michel aujourd’hui, ou Air et Phoenix hier, aient vu le jour à Versailles. Ils s’inscrivent dans une tradition versaillaise. » Le musicien lui-même est obligé d’admettre que son retour au bercail l’a inspiré : « Il y a un effet doudou de se retrouver dans la ville de son enfance. Ici, il y a de la lumière, du vent, déjà un goût d’ailleurs. C’est très inspirant pour quelqu’un comme moi. J’ai été obligé de constater que Paris m’abîmait avec ses sollicitations. »
« De mon point de vue, l’électro est une musique savante. » Le maire de Versailles
« Ça m’amuse de casser le cliché du claveciniste versaillais. » Philippe Thuillier (Saint Michel)
Philippe Thuillier veut désormais rendre à la ville ce qu’elle lui a donné. Il participera à la seconde édition du Festival Electrochic, organisé du 15 au 17 mars à Versailles et trois autres villes de la communauté d’agglomération. Et il donne, ce vendredi, un atelier intitulé « Composer, éditer » avec les élèves des classes de musiques actuelles des conservatoires de Versailles et Viroflay. A ceux qui s’étonnent que la ville, réputée pour ses catholiques ultra-conservateurs plutôt que pour ses rave parties sauvages, s’intéresse aux musiciens électros, François de Mazières plaide le malentendu : « Versailles est une ville beaucoup plus atypique que certains veulent bien le penser. Il y a un environnement culturel et artistique. Mais savoir pourquoi des musiciens de Versailles connaissent un succès international et d’autres non, c’est mystérieux. » Philippe Thuillier n’a pas plus d’explication : « Ça m’amuse de faire une musique qui casse un peu le cliché du claveciniste versaillais. A part ça, je ne pense pas qu’il y ait une inspiration versaillaise. On a longtemps cherché à comprendre la recette de la vinaigrette versaillaise qui permettait aux projets électros de prendre. A force de la chercher, on va l’inventer ! »