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Mai-68 Le siège de la FFF a été occupé par une soixantaine de joueurs amateurs
En mai 1968, les ouvriers occupent les usines, les étudiants bloquent les facs, les artistes squattent les théâtres. Et les footballeurs ? Une soixantaine d’entre eux s’est mis en tête d’occuper le siège de la Fédération française de football. La fronde, dont le slogan est « Le football aux footballeurs », est menée par François Thébaud, rédacteur en chef de Miroir du football, revue footballistique affiliée au Parti communiste. «Le foot prenait un très mauvais tournant, les joueurs avaient de moins en moins de liberté, raconte Serge Anger, un occupant qui jouait aux Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint Denis). Quand j’ai entendu la nouvelle à la radio, j’ai su que c’était une occasion unique de changer les choses.» Trois mesures sont discutées : la licence B, qui empêche plus ou moins les transferts entre clubs, la saison de huit mois, qui interdit le foot pendant les quatre restants, et le contrat à vie, qui transforme le joueur pro en propriété de son club. « Dans les années 1960, le footballeur était plus proche de l’ouvrier que de l’ultralibéral d’aujourd’hui, raconte Mickaël Correia, auteur du livre Une histoire populaire du football [La Découverte]. Le joueur n’avait pas son mot à dire sur les transferts, ni sur son salaire, à l’époque loin d’être faramineux. » L’occupation se veut non-violente, pour ne pas retourner une opinion publique méfiante au sujet du foot. Le plus dur reste à faire connaître l’action. Mais la presse sportive s’offusque de ces footballeurs qui osent avoir des revendications sociales. « Dès qu’un footballeur sortait de son rôle, on se moquait et on lui disait de revenir à son simple rôle de joueur», regrette l’historien Alfred Wahl. La « Commune » version football ne durera même pas une semaine. «Les gens n’allaient pas consommer toutes leurs forces pour le foot, se souvient Serge Anger. On avait des boulots, des familles, d’autres priorités. Le monde réel finit toujours par reprendre ses droits.» Ces cinq jours d’occupation n’ont-ils été, du coup, qu’un simple défouloir ? Loin de là. « Les tenants du pouvoir footballistique ont dû composer avec nos considérations. On a fait entendre une voix qui n’était jamais parvenue à leurs oreilles», se félicite Serge Anger. La licence B est annulée, la saison de huit mois abrogée. Pareil pour le contrat à vie l’année suivante. «Pour la première fois en France, le foot a montré qu’il était inséré socialement et politiquement, poursuit Alfred Wahl. L’opinion a compris que le foot était un phénomène important, avec un impact et des revendications. »
« Le foot a montré qu’il était inséré socialement et politiquement. » L’historien Alfred Wahl