Les jeunes sportifs d’attaque sur le terrain de l’engagement
Engagé contre la pauvreté, le jeune Mancunien a prouvé que les sportifs sont capables de peser pour une cause
«Rashford Premier ministre»! Le Daily Star en fait souvent trop mais a cette fois visé juste, le 17 juin, en consacrant sa une à Marcus Rashford. L’attaquant de Manchester United, touché par l’arrêt d’un programme d’aide alimentaire permettant à 1,3 million d’enfants défavorisés de manger gratuitement, a fait plier le gouvernement de Boris Johnson en moins de quarante-huit heures.
Cette victoire a marqué les esprits, mais l’Anglais n’est pas le seul sportif à s’aventurer loin des terrains en ce moment. Aux Etats-Unis, la mort de George Floyd fin mai a déclenché un tsunami dans la société, auquel les joueurs de NBA et NFL ont largement apporté leur écot.
« Les jeunes sportifs ont grandi avec cette idée que l’on pouvait se faire entendre. » Sébastien Bellencontre, spécialiste de la gestion d’image
« Ça remet en question un présupposé très répandu qui veut qu’un sportif installé ne pense qu’à sa petite carrière, pose le sociologue du sport Benjamin Coignet. Il sont très nombreux à s’investir dans des causes sociales ou écologiques, à financer des académies de formation, des programmes dans des pays en voie de développement ou dans leur ville d’origine.» Souvent, les joueurs rechignent à en parler. Cela va peut-être changer. «L’exemple de Marcus Rashford est canon. La force de la communauté, les nouveaux moyens de communications, ça a un pouvoir d’écho énorme, observe Sébastien Bellencontre, spécialiste de la gestion d’image des sportifs avec son agence 4Success. Cela peut aider les sportifs à décomplexer leur engagement. Ils ont souvent peur qu’on leur reproche de s’approprier un sujet pour faire de la com. »
Peut-être une question de génération, aussi. Marcus Rashford a 22 ans. Kylian Mbappé, qui n’a pas hésité à voir grand pour le lancement en début d’année de son projet social « Inspired by KM », 21 ans. Aux EtatsUnis, Joe Burrow, 23 ans et n° 1 de la dernière draft NFL, détonne par ses discours engagés, notamment pour défendre la communauté noire. « Les jeunes sportifs qui arrivent maintenant sont mieux préparés à tout ça, estime Bellencontre. Ils ont grandi avec cette idée que l’on pouvait se faire entendre. » Fabien Paget a lancé en tout début d’année l’agence 17 Sport. Son credo : faire du business n’empêche pas de mettre du sens dans ce qu’on fait. « Les champions ne sont pas que ça, ils ont la responsabilité d’améliorer la société, expose-t-il. Ils ont deux dimensions. Serena Williams est championne de tennis et engagée pour les femmes. Ils peuvent se trouver une mission, sur un sujet de société qui les touche. Cela doit être authentique et sincère. » Sollicité de toutes parts depuis sa victoire, Marcus Rashford a déjà fait savoir qu’elle ne signifiait pas « la fin de [son] engagement». Décoré par la ville de Manchester, favori pour le titre de personnalité sportive de l’année, il pourrait même être fait chevalier de la reine, dit la rumeur. Accessoirement, son entraîneur Ole-Gunnar Solskjaer compte sur lui pour ramener MU dans les mêmes sphères que City et Liverpool. Sacré programme.