L’ultime hommage des familles de victimes à la barre
Les familles ont rendu hommage à leurs proches décédés dans l’attentat de « Charlie Hebdo »
Comment raconter la perte, le manque laissé par la disparition, ce 7 janvier 2015, d’un père ou d’un mari? A défaut de trouver les mots pour dire ce vide laissé après l’attentat qui a décimé la rédaction de Charlie Hebdo, les proches des dessinateurs assassinés ont tenté, jeudi, de les faire revivre devant la cour d’assises spéciale, au tribunal de Paris.
«Un pacifiste acharné»
« “Véronique, ne t’inquiète pas.” C’était sa phrase fétiche, se souvient l’épouse du créateur du Beauf, Jean Cabut, dit Cabu. C’était un homme libre, un pacifiste acharné. Un homme joyeux qui aimait rire. » Ce rire, sa femme ne « l’entendra plus jamais». Assassiné à 74 ans, Cabu aura consacré sa vie au dessin. Des dessins qu’elle tient à défendre devant la cour. Et particulièrement cette une réalisée par son époux, qui accompagnait en 2006 la publication des caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdo. «Rien ne me rend plus triste que l’on réduise cette couverture à cette phrase : “C’est dur d’être aimé par des cons.” Non, la phrase, c’est : “Mahomet débordé par les intégristes : c’est dur d’être aimé par des cons.” Il faut lire un dessin.»
Comment penser l’impensable ? Cinq ans après l’attentat, Hélène Honoré, la fille du dessinateur Honoré, n’y parvient toujours pas. Ce matin du 7 janvier, dans le taxi qui la conduit vers les locaux de la rédaction après avoir été prévenue par sa mère, la trentenaire tente de se rassurer : « Je me disais : “Ressaisis-toi, Hélène, ça ne peut pas arriver. Ce soir, tu vas retrouver ton père.” Cette pensée me traverse toujours aujourd’hui. » A 39 ans, elle salue la mémoire d’un homme «aimant», «joyeux», ce père si doux qui croquait sur les nappes en papier des restaurants des animaux exotiques que devait deviner sa fille unique. «Très proche» de son père, Hélène Honoré continue de se demander ce qu’il aurait pu dire aux frères Kouachi si on lui en avait laissé la possibilité. «Il leur aurait parlé calmement,
« Je ne veux pas que les terroristes et leurs complices gagnent. » Véronique Cabut
et il leur aurait ensuite parlé de dessin. Il leur aurait posé des questions, sur leur enfance, sur leurs rêves.» Face à cela, il y a cette réalité «brutale» et « la violence la plus extrême que rien ne peut jamais justifier ». En conclusion de son audition, secouée par l’émotion, Véronique Cabut avait clamé : « Charlie Hebdo est là. Charlie Hebdo est vivant. C’est très important pour moi de le dire. Je ne veux pas que les terroristes et leurs complices gagnent. D’ailleurs, ils ont perdu. » Hélène Honoré avait pour sa part fait un voeu en préambule de son témoignage : « J’aimerais que chacun puisse les imaginer, ici, vivants avec nous. »