20 Minutes (Nantes)

Roglic a compris le code de la route

Le Slovène, arrivé sur le tard dans le vélo, a dû apprendre les notions tactiques

- Nicolas Camus

Primoz Roglic est économe. Le panache, les grandes envolées sur un coup de sang, très peu pour lui. Le leadeur du Tour court avec une calculette sous le casque. Cela peut sembler paradoxal quand, il y a cinq ans encore, il ignorait tout de la notion de tactique de course. Sauteur à ski de très bon niveau, le Slovène a décidé à 22 ans de bifurquer complèteme­nt. Il achète alors un vélo, court un an chez les amateurs, puis réussit à se faire engager par l’équipe Adria Mobil. Deux ans plus tard, il rejoint la Lotto-Jumbo (ancêtre de la Jumbo-Visma), où il connaît une ascension express, jusqu’au rang de favori du Tour de France, à 30 ans.

Alors, peut-être que cette recherche de maîtrise lui vient de ce cheminemen­t. «Il avait besoin de tout prévoir, quand il allait prendre un bidon, quand il allait attaquer », raconte Bogdan Fink. Le patron de l’équipe Adria Mobil se souvient bien des premiers tours de roue en course de son poulain : un vrai désastre. « Il n’avait aucune idée de comment ça se passait dans un peloton, au niveau tactique, de qui étaient les leadeurs, de ce qui se tramait avant un col ou un sprint.»

Alors, il a voulu tout ingurgiter. «Primoz est quelqu’un qui pige très vite, éclaire Fink. Il ne fait jamais deux fois la même erreur. » Roglic, qui dès son arrivée à la Jumbo-Visma s’était donné cinq ans pour gagner le Tour de France, fait partie de la bonne caste. « Il vient du sport de haut niveau, il était dans les meilleurs, donc il a certaineme­nt une capacité d’adaptation que beaucoup n’ont pas, observe Pascal Hervé, ex-coureur qui n’est passé pro qu’à 30 ans. Sa vision de la course est excellente. »

Au sein de la Lotto-Jumbo, il parfait son apprentiss­age. Dès son premier grand Tour, le Giro 2016, il remporte une étape. Il s’améliore, gravit les échelons. A chacun d’entre eux, il paie pour apprendre. Lors de la Grande Boucle 2018, il laisse filer une place sur le podium la veille de l’arrivée. L’année suivante, sur le Tour d’Italie, où il est leadeur, il cale en troisième semaine. La consécrati­on viendra sur la Vuelta, qu’il remporte en 2019. « Je n’ai jamais rencontré quelqu’un avec une telle force mentale», salue son ex-coéquipier Matej Mugerli. A son cerveau bien fait s’ajoute un autre facteur : la fraîcheur. « Le cyclisme est un sport extrêmemen­t exigeant, qui nécessite des sacrifices, estime Hervé. Quand tu ne commences qu’à 25-26 ans, tu es à la fois plus mûr et plus frais. Tu es prêt à supporter tous ces efforts, tu sais jusqu’où tu peux souffrir. » On l’a vu dans les Pyrénées, Roglic semble avoir une idée précise de ce qu’il peut faire, et de l’endroit où il doit déclencher. Dans le Jura, dimanche, puis les Alpes, la semaine qui suit, il n’y a aucune raison que ça change. Cinq ans après ses débuts, comme il l’avait imaginé, voilà l’ancien sauteur à ski en position de gagner le Tour.

«Il a une capacité d’adaptation que beaucoup n’ont pas. » Pascal Hervé, ancien coureur

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Après des débuts compliqués, Roglic sait très bien se placer dans le peloton.

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