L’exécutif rétro-pétale
En tentant de réintroduire temporairement un insecticide néfaste pour les abeilles, le gouvernement est accusé de brouiller son message écologique.
Un match betteraves-abeilles à l’Assemblée. Pour éviter l’effondrement d’une filière agricole historique, le gouvernement veut réintroduire temporairement les néonicotinoïdes, des pesticides accusés de nuire aux insectes butineurs. Une première étape a été franchie mardi, avec l’adoption du texte par les députés en première lecture. Le texte doit être transmis au Sénat.
« Les néonicotinoïdes restent dans les sols pendant des années.»
Jean-Charles Colas-Roy, député LREM
Tout commence à cause d’un puceron. Favorisé par les hivers et les printemps doux, l’insecte pullule et transmet des virus aux betteraves, dont la jaunisse. Cette maladie peut entraîner des pertes importantes pour les cultivateurs (entre 30 et 50 %), qui ont alerté le gouvernement depuis plusieurs mois pour obtenir le droit de pouvoir pulvériser à nouveau des néonicotinoïdes sur leurs champs. Or le pesticide est interdit en France depuis 2018 et l’entrée en vigueur de la loi sur la biodiversité, portée en 2016 par Barbara Pompili, secrétaire d’Etat à la Biodiversité sous François Hollande, et aujourd’hui ministre de la Transition écologique. Un scandale pour de nombreux citoyens, élus et associatifs qui ont multiplié les manifestations et les appels à la majorité depuis la rentrée. « J’appelle les députés à ne pas voter cette loi», a déclaré l’ex-ministre de l’Ecologie Nicolas Hulot dans Le JDD.
Chez les marcheurs, des voix dissonantes, minoritaires, se font entendre. Jean-Charles Colas-Roy, député LREM de l’Isère, en fait partie : « Les néonicotinoïdes s’attaquent aux colonies d’abeilles et restent dans les sols pendant des années. On parle de l’impact économique sur la filière betterave, mais la disparition de la biodiversité a aussi un impact financier sur toutes les filières agricoles.» Le rapporteur du texte à l’Assemblée, Grégory Besson-Moreau, plaide le «pragmatisme » : « Soit on ne fait rien et on dit au revoir à 46 000 emplois et 25 000 exploitations agricoles, et notre rang de no 1 du sucre de betterave dans le monde. Soit on a le courage politique d’accompagner ces agriculteurs vers la transition écologique.»
La majorité n’ignore pas la nuisance politique de s’attaquer à un tel symbole. «Cette décision peut brouiller notre message, alors que nous avons énormément de mesures positives pour l’écologie à annoncer», regrette Jean-Charles Colas-Roy. D’autant que la dérogation est impopulaire : environ 70% des Français la désapprouveraient, selon un sondage OpinionWay pour Générations futures.