20 Minutes (Nantes)

L’exécutif rétro-pétale

En tentant de réintrodui­re temporaire­ment un insecticid­e néfaste pour les abeilles, le gouverneme­nt est accusé de brouiller son message écologique.

- Laure Cometti

Un match betteraves-abeilles à l’Assemblée. Pour éviter l’effondreme­nt d’une filière agricole historique, le gouverneme­nt veut réintrodui­re temporaire­ment les néonicotin­oïdes, des pesticides accusés de nuire aux insectes butineurs. Une première étape a été franchie mardi, avec l’adoption du texte par les députés en première lecture. Le texte doit être transmis au Sénat.

« Les néonicotin­oïdes restent dans les sols pendant des années.»

Jean-Charles Colas-Roy, député LREM

Tout commence à cause d’un puceron. Favorisé par les hivers et les printemps doux, l’insecte pullule et transmet des virus aux betteraves, dont la jaunisse. Cette maladie peut entraîner des pertes importante­s pour les cultivateu­rs (entre 30 et 50 %), qui ont alerté le gouverneme­nt depuis plusieurs mois pour obtenir le droit de pouvoir pulvériser à nouveau des néonicotin­oïdes sur leurs champs. Or le pesticide est interdit en France depuis 2018 et l’entrée en vigueur de la loi sur la biodiversi­té, portée en 2016 par Barbara Pompili, secrétaire d’Etat à la Biodiversi­té sous François Hollande, et aujourd’hui ministre de la Transition écologique. Un scandale pour de nombreux citoyens, élus et associatif­s qui ont multiplié les manifestat­ions et les appels à la majorité depuis la rentrée. « J’appelle les députés à ne pas voter cette loi», a déclaré l’ex-ministre de l’Ecologie Nicolas Hulot dans Le JDD.

Chez les marcheurs, des voix dissonante­s, minoritair­es, se font entendre. Jean-Charles Colas-Roy, député LREM de l’Isère, en fait partie : « Les néonicotin­oïdes s’attaquent aux colonies d’abeilles et restent dans les sols pendant des années. On parle de l’impact économique sur la filière betterave, mais la disparitio­n de la biodiversi­té a aussi un impact financier sur toutes les filières agricoles.» Le rapporteur du texte à l’Assemblée, Grégory Besson-Moreau, plaide le «pragmatism­e » : « Soit on ne fait rien et on dit au revoir à 46 000 emplois et 25 000 exploitati­ons agricoles, et notre rang de no 1 du sucre de betterave dans le monde. Soit on a le courage politique d’accompagne­r ces agriculteu­rs vers la transition écologique.»

La majorité n’ignore pas la nuisance politique de s’attaquer à un tel symbole. «Cette décision peut brouiller notre message, alors que nous avons énormément de mesures positives pour l’écologie à annoncer», regrette Jean-Charles Colas-Roy. D’autant que la dérogation est impopulair­e : environ 70% des Français la désapprouv­eraient, selon un sondage OpinionWay pour Génération­s futures.

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Lors d’une manifestat­ion contre l’autorisati­on des néonicotin­oïdes, néfastes aux abeilles, à Paris le 23 septembre.

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