Réhausser la Loire pour qu’elle retrouve son lit naturel
Un chantier de 42 millions d’euros veut rééquilibrer le lit du fleuve
«Un grand fleuve de sable quelquefois mouillé. » Voilà comment l’écrivain Jules Renard décrivait la Loire, à la fin du XIXe siècle. Près de cent cinquante ans plus tard, un énorme projet de 42 millions d’euros ambitionne de faire mentir cette citation. Entre Nantes et Angers, où le niveau d’eau du fleuve ne cesse de baisser (jusqu à 4 m par endroits), d’importants travaux « de rééquilibrage du lit de la Loire » se préparent. L’enquête publique, préalable à l’autorisation du préfet, se termine vendredi.
Objectifs ? « Restaurer les milieux aquatiques et valoriser ce patrimoine culturel et naturel unique», indique Christelle Morançais (LR), présidente de la région des Pays-de-la-Loire. La collectivité territoriale finance « ce projet exceptionnel » à hauteur de 30 %. Une décision prise après plusieurs dizaines d’années d’études et de modélisations, lesquelles ont montré qu’il était nécessaire et possible de redonner au plus long fleuve de France son fonctionnement naturel. Car si la Loire est par endroits aussi basse, ce n’est pas la faute du réchauffement climatique, mais bien de l’activité humaine, qui a cherché à l’époque à maîtriser ce fleuve capricieux et sauvage…
« Il y a plus d’un siècle, quelque 700 épis [ces enrochements perpendiculaires au fleuve] ont été installés en
Loire entre Nantes et Angers notamment pour aider à la navigation lors de l’étiage, rapporte Séverine Gagnol, en charge du projet chez Voies navigables de France (VNF), principal financeur. Il y a eu aussi de multiples extractions de sable, effectuées pour les reconstructions d’après-guerre par exemple. Résultat, le lit du fleuve s’est petit à petit affaissé, des bras secondaires se sont déconnectés avec des bancs de sable qui se sont végétalisés et des conséquences sur la biodiversité. » Concrètement, les travaux qui commenceront à l’automne visent donc à remodeler ces épis, voire à les supprimer. Trois secteurs ont été identifiés : entre Montjean-sur-Loire et Ingrandes (travaux en 2021), entre Anetz et Oudon (en 2022) et entre Sainte-Luce et Saint-Julien de Concelles (en 2023), où un seuil sera placé sous l’eau, afin de retenir les sédiments.
«Devoir de réparation»
En plus d’agir sur les espèces naturelles et sur le paysage (caractérisé par ses nombreuses îles, encore faut-il que les bras soient en eau) ce rééquilibrage doit permettre d’éviter l’érosion des berges, le déchaussement des piles de pont ou encore de faciliter le pompage pour produire de l’eau potable. « Le devoir de réparation de notre Loire sinistrée doit être honoré, indique de son côté le comité pour la Loire de demain, qui se réjouit de bientôt pouvoir retrouver « les usages essentiels du fleuve », tels que le canotage ou la pêche.