Les talibans à l’offensive sur les réseaux sociaux
Les nouveaux maîtres de l’Afghanistan tentent de moderniser leur image grâce aux outils de communication numérique
Des talibans tout sourires se filmant sur des autos tamponneuses ou arborant à leur poignet une Apple Watch. Pour leur retour sur la scène internationale, ils ont voulu montrer sur les réseaux sociaux une image plus moderne. « Lorsque les premières photos des talibans à l’intérieur du palais présidentiel ont été publiées, il y avait presque autant de talibans armés de smartphones et de caméras vidéo que de combattants qui brandissaient des armes à feu », explique à 20bMinutes Karim Pakzad, spécialiste de l’Afghanistan et chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
Le virage numérique des talibans ne date pas d’hier. « Après leur chute en 2001, ils ont compris petit à petit qu’ils devaient, en tant que mouvement insurrectionnel, utiliser Internet pour faire de la propagande, recruter, et lever des fonds, explique Laurence Bindner, spécialiste de l’extrémisme en ligne. Puis, dans les années 2010, ils ont modernisé leur communication en investissant les réseaux sociaux. Aujourd’hui, lorsqu’ils se prennent en selfie en train de déguster des glaces ou de faire des tours de manège, le message est clair :
“dédiaboliser” le mouvement et montrer qu’ils sont sympas. » « Les talibans veulent rassurer, se montrer crédibles, car ils ont besoin d’une reconnaissance internationale, et d’un soutien économique et financier afin de récupérer des avoirs de la banque centrale afghane qui sont bloqués aux États-Unis», précise Karim Pakzad.
Un moyen de traquer leurs opposants
Si les talibans ont aujourd’hui réussi à asseoir leur influence en ligne, c’est grâce à une forte présence sur Twitter. Les porte-parole du mouvement y possèdent tous un compte officiel. « Aujourd’hui, Suhail Shaheen [porte-parole pour les médias internationaux] compte plus de 375 000 abonnés », relève le chercheur à l’Iris. « Il y a aussi tous les comptes non officiels, très nombreux, qui ont émergé sur Facebook et les messageries chiffrées comme Telegram et WhatsApp, qu’ils utilisent de manière très pragmatique et opportuniste », note Laurence Bindner.
Mais la stratégie 2.0 des talibans ne se limite pas à améliorer leur communication et intensifier leur propagande. Leur présence accrue sur les réseaux sociaux a aussi pour objectif de collecter des renseignements sur leurs opposants, et ainsi les traquer. « Internet peut évidemment être un outil répressif, reconnaît Laurence Bindner. Pour les talibans, c’est une source d’informations, de renseignements, qui leur permet d’identifier et de localiser des militants. » Une « liste prioritaire » aurait été dressée par les talibans, affirment des sources sur place à Kaboul.