Se couper un bras
Irina, à peine sortie de la piscine au fond mosaïque turquoise, enfile un peignoir blanc et se rapproche du transat placé à l’ombre, sous le péristyle. « Prends la tablette, dit Chestov, j’ai reçu une dépêche de l’AFP, l’Agence de presse française, je voudrais la traduire.
Irina, la médecin personnelle de l’oligarque, s’exécuta immédiatement. Elle était parfaitement bilingue : « C’est l’entraîneur de ton équipe de foot. Il raconte que tu lui as parlé pendant près de quatre heures après lui avoir demandé des comptes sur les résultats ! Il dit aussi que tu es moins présent en ce moment auprès de l’équipe ! »
On ne peut pas être partout, surtout en ces temps difficiles. À 8 000 km du stade, les problèmes de son équipe de foot, au classement national discutable, semblent très, très loin. Dans la foulée du débarquement de son entraîneur pas assez performant, Chestov cherche à jouer un coup de poker. Profiter de l’occasion pour faire monter dans la charrette des condamnés Dimitri Popov. Avant d’être son employé, le vice-président du club est avant tout l’homme du Kremlin. Les mauvaises performances de l’équipe permettront d’habiller son éviction sous des raisons sportives. Sacrifier Popov, pour l’oligarque, c’est se couper un bras pour tenter d’apparaître plus crédible aux yeux de plus en plus insistants des autorités européennes. Ce gage de plus, que seuls les kremlinologues chevronnés pourront décrypter, suffira-t-il à laisser l’un des tout derniers oligarques non sanctionnés hors du radar de Washington ? (à suivre)