Pourquoi être tout miel avec les abeilles sauvages
En Nouvelle-Aquitaine, le programme Life Wild Bees vise à protéger ces insectes essentiels à la pollinisation
Saviez-vous qu’il existe plus de 1 000 espèces d’abeilles sauvages en France ? Que la plus petite ne dépasse pas la taille d’un grain de riz, quand la plus grande, la Xylocope violette, mesure jusqu’à 30 mm ? Que l’on en trouve des jaunes, des rouges, des noires ?
« Souvent, quand on parle de pollinisation et d’insectes pollinisateurs, on pense à l’abeille domestique, mais ce n’est qu’une espèce », relève Eva Thibon. La coordinatrice du programme Life Wild Bees insiste : « Il ne faut pas oublier toutes les autres qui n’ont pas nécessairement la même vie ni la même capacité de déplacement.
Comme les abeilles sauvages font rarement de miel, elles recueillent généralement moins d’intérêt. Pourtant, elles sont tout aussi essentielles à la pollinisation. »
Travaux de « génie écologique »
Mieux connaître, et faire reconnaître le rôle de ces abeilles sauvages, sera l’un des enjeux du programme Life Wild Bees. Doté d’un budget de 6,5 millions d’euros jusqu’en 2026, financé à 60 % par l’Europe, mais aussi la région Nouvelle-Aquitaine et l’Office français de la biodiversité, ce projet doit permettre de réaliser des travaux de « génie écologique » pour restaurer des habitats favorables aux abeilles sauvages. Et réintroduire des plantes d’origine locales pour permettre une meilleure pollinisation. Piloté par le parc naturel régional (PNR) Périgord-Limousin, Life Wild Bees impliquera les quatre autres PNR de la région Nouvelle-Aquitaine (Marais-Poitevin, Médoc, Millevaches en Limousin et
Landes de Gascogne), qui deviendront ainsi des territoires d’expérimentation pour la sauvegarde de ces espèces. Même si elles moins connues que les abeilles domestiques, les abeilles sauvages sont tout aussi concernées par le déclin des insectes pollinisateurs, en raison de l’utilisation de néonicotinoïdes, ou de l’artificialisation des sols. Solitaire, l’abeille sauvage a du mal à retrouver son nid sous l’effet des pesticides. « 70 % des espèces d’abeilles sauvages sont terricoles, c’est-à-dire qu’elles font leur nid dans le sol, précise Eva Thibon. Il est donc nécessaire de libérer les pelouses calcaires qu’elles affectionnent. Il faut aussi reconnecter les sites de nidification des ressources florales, car les plus petites espèces d’abeilles sauvages parcourent moins de 200 m, quand une abeille domestique peut réaliser 3 km. Ainsi, quand on fleurit un rond-point, il faut aussi penser à garder des sols à proximité pour le nid. » Le projet Wild Bees va aussi travailler à « interconnecter les sites via des corridors écologiques, par exemple sous les lignes à haute tension ou sur les bords de route, pour améliorer les habitats. » Un travail qui nécessitera la formation de personnels d’Enedis et RTE, ou du conseil départemental. Il est par ailleurs primordial de favoriser les espèces végétales locales, alors que la région Nouvelle-Aquitaine n’a pas été épargnée ces dernières décennies par l’émergence d’espèces exotiques envahissantes. « Les abeilles se sont accommodées de certaines de ces espèces, comme le robinier faux-acacia, qui donne par ailleurs un très bon miel. Mais nous ne souhaitons pas trop propager ces espèces, qui viennent en compétition des espèces locales. Nous essayons d’éradiquer, même si c’est très difficile, la jussie, plante envahissante que l’on trouve en bord de mares.» Les abeilles sauvages, même si certaines ne butinent qu’une espèce florale, présentent l’avantage de polliniser un plus grand nombre de plantes que les abeilles domestiques. En Nouvelle-Aquitaine, le service de pollinisation est estimé à plus de 450 millions d’euros de productions alimentaires à destination humaine.