20 Minutes (Nantes)

Fiction En 2030, le virtuel sera devenu plus que réalité

Comment blockchain, NFT et autres outils du Web 3 auront-ils intégré notre quotidien en 2030 ? Un membre de la communauté 20 Mint (lire p.3) l’a imaginé

- Texte écrit par M4RC

< Log // date: 16/06/2030 // user: 20.100.xyz; Initiate txt.record - status: connected; mode: read; > Vincent se réveilla tranquille­ment vers la fin de journée, quand l’air devenait moins étouffant. Il attrapa par réflexe ses lunettes de réalité augmentée et se leva pour se préparer, son oeil faisant défiler les infos du jour sur ses verres-écrans, dont les données se mélangeaie­nt discrèteme­nt à son environnem­ent. Peu sensible aux dernières nouvelles de la guerre du cobalt, il prit rapidement connaissan­ce de ses réseaux sociaux

« La teinte de sa veste évoluait selon son humeur. L’un des tout premiers NFT dynamiques qu’il ait achetés. »

et du cours des cryptomonn­aies qu’il possédait.

Face à son miroir, il fit défiler d’un mouvement de doigt ses différente­s tenues augmentées. Son t-shirt blanc, le même depuis des années, semblait changer de forme à chaque geste, calque virtuel si réaliste qu’on en oubliait le tissu initial. Il s’arrêta lorsqu’il parvint à la veste qu’il appréciait tant. La teinte évoluait en fonction de son humeur, une vraie pièce vintage, l’un de ses tous premiers NFT dynamiques. Il sélectionn­a également un filtre de soin, afin d’atténuer ses légers cernes et vivifier son teint. Plus personne ne sortait sans son maquillage virtuel depuis longtemps. En dévalant ses escaliers, la musique dans ses oreilles s’adapta à son rythme cardiaque, épousant son énergie. Il adorait cette chanson évolutive, et se félicitait d’avoir investi dans l’oeuvre de cet artiste. Moyennant quelques tokens, Vincent avait contribué non seulement à la création de l’album, mais aussi à sa commercial­isation, et il recevait une part minime des revenus à chaque écoute. Il les réinvestis­sait dans des talents émergents. C’était l’occasion de découvrir de nouvelles musiques et de permettre à la scène musicale de s’épanouir, loin de la pression des majors. Perdu dans ses pensées, il manqua de percuter une passante. Il s’arrêta, prêt à s’excuser, puis la dévisagea. Elle paraissait… réelle, presque trop nette. Il suspecta un instant qu’elle utilisait un tout nouveau logiciel de rendu. Mais son visage semblait si précis et ses imperfecti­ons si jolies.

Elle lui souriait, l’observant alors qu’il restait figé, l’air embarrassé. « Eh bien, je sais que je n’ai pas de filtre, mais de là à ne pas me voir du tout.

— Aucun filtre... Vraiment ?, balbutia-til, toujours happé par son regard. — Désactive tes lunettes, tu verras bien. »

Il hésita une seconde puis obéit, coupant toute surcouche virtuelle. Le monde s’obscurcit légèrement, la chaussée reprit sa couleur d’origine, les murs des immeubles perdirent la texture qu’il avait l’habitude d’utiliser et les enseignes furent d’un coup moins lumineuses.

Mais le regard de l’inconnue, lui, pétillait toujours autant. Le jeune homme se sentit soudaineme­nt mis à nu, car il réalisa qu’elle pouvait le voir tel qu’il était, sans artifice. Heureuseme­nt, l’étrange demoiselle scrutait le mur d’à côté. Alors qu’elle effleurait la surface du béton du bout du doigt, il distingua l’embrasure d’une porte qu’il jura n’avoir jamais vu. « Ce sont tes filtres. Ils te cachent des choses qu’ils considèren­t insignifia­ntes, expliqua-t-elle en saisissant la poignée. »

D’un regard provocateu­r, elle ouvrit la porte et s’élança dans l’obscurité de la cage d’escalier.

Sans réfléchir, il se précipita à sa suite. Les volées de marches en colimaçon se succédaien­t sans fin, et il réalisa dans la pénombre qu’il n’y avait pas de réseau, avant de ranger ses lunettes devenues inutiles.

Quand ils atteignire­nt enfin le dernier étage, il avait perdu le fil du temps. Ils se reposèrent un instant, puis elle ouvrit enfin la porte qui donnait accès au toit. Le spectacle qui les attendait était à couper le souffle. Les couleurs chaudes du soleil couchant nimbaient les nuages qu’on apercevait à perte de vue et une lumière rosée inondait les toits de la ville. Des éclats dorés scintillai­ent, semblant s’accrocher aux fenêtres que les derniers rayons effleuraie­nt. Vincent s’assit aux côtés de l’inconnue et se laissa aspirer par l’horizon. Il comprit que c’était cet instant suspendu et ces nuances subtiles que les peintres et artistes du monde entier avaient voulu saisir depuis des siècles. Chaque seconde de ce spectacle était aussi unique que le mélange des teintes qui dessinaien­t sous leurs yeux le moment présent.

Lui qui ne jurait que par la froide éternité de la technologi­e et de ses immuables promesses, il se dit alors que la beauté résidait peut-être aussi dans la surprise d’une rencontre et la rareté de l’éphémère. < End:Log // sell- memory as NFT: [Y] [N] // Price:10X>

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