Marie Bochet « Il y a encore un tabou autour du handicap »
La championne se prépare à se retirer des pistes mais pas du handisport dont elle veut développer la visibilité
« Le handisport mérite qu’on parle davantage de lui, et non qu’une fois tous les quatre ans. »
À28 ans, la multichampionne du monde Marie Bochet a annoncé qu’elle ne participera pas aux prochains Jeux paralympiques d’hiver. Mais la skieuse entend bien continuer à dévaler les pistes et reste impliquée comme jamais dans le handisport.
Avec huit titres paralympiques en ski alpin et vingt-deux médailles d’or en championnats du monde, vous faites partie des figures du handisport français. Pourtant, vous avez décidé de poursuivre votre carrière jusqu’aux Mondiaux 2023, mais pas jusqu’aux prochains Jeux. Pourquoi ?
Je suis à bout de souffle et j’ai envie de tourner la page des paralympiques ; c’est pour cela que j’ai décidé de ne pas aller aux prochains Jeux. En prenant cette décision, je savais que je continuerai malgré tout la compétition. Et puis, il y a un petit goût d’inachevé sur ces derniers paralympiques [une médaille d’argent en super-G]. J’ai envie de refaire une saison pleine et de faire des choses que je n’ai pas pu faire à Pékin. J’ai envie de dire au revoir au circuit alpin comme je l’entends.
Et pour la suite ?
Le projet principal, c’est la saison qui arrive, de préparer l’hiver prochain. Ça n’a pas forcément été une évidence, mais maintenant c’est une priorité, avec la préparation des mondiaux évidemment. Pour l’après, je n’ai pas encore pris de décision. Je réfléchis à la suite, et il faut que je m’y prépare. C’est effrayant, mais c’est important de commencer à en parler et d’essayer de me définir autrement que comme championne de ski.
Pas de participation aux prochains Jeux paralympiques donc, mais vous restez impliquée dans l’organisation. Dans quelle mesure ?
Je fais partie de la commission d’athlètes qui préparent Paris 2024. Avec cette commission, nous sommes invités à apporter notre pierre à l’édifice. Nous sommes questionnés sur plusieurs points, comme la logistique, l’expérience globale, le confort des athlètes… Nous pouvons aussi tirer la sonnette d’alarme sur certaines décisions, nous sommes les juges-arbitres. Participer à la préparation des Jeux a aussi un réel intérêt personnel pour moi, surtout après quatre paralympiades. En tant qu’athlète, on ne se rend pas compte de tout ce que représente l’organisation, et c’est donc hyper intéressant d’y prendre part. Avec Paris 2024, il y a également cette volonté de replacer l’athlète au centre de l’événement. Et puis, pendant les Jeux, on n’a souvent pas le temps de visiter le pays hôte, alors, nous, nous allons essayer d’initier les sportifs à la culture et à la gastronomie française.
Qu’est-ce qu’il faut mettre en place, selon vous, pour améliorer la visibilité du handisport, notamment en dehors de la grande échéance des Jeux paralympiques ?
Déjà, ce qu’on peut faire c’est en parler davantage, et pas uniquement tous les quatre ans. À titre personnel, ça m’a beaucoup plu d’enregistrer des podcasts [« Tous Handisport », qui met en lumière les différents sports paralympiques]. C’était chouette d’avoir la parole sur ces sujets-là car il y a tellement à raconter ! Ce fut une bonne expérience. Il ne faut pas oublier que les athlètes s’entraînent toute l’année et méritent d’être mis en avant. L’un des piliers à actionner pour augmenter la visibilité du handisport est d’expliquer les différentes catégories, car lorsqu’on ne comprend pas quelque chose, on n’a pas envie de s’y attarder. Il faut simplifier tout ça, et c’est un gros travail. Malgré tout, je pense que, même si les catégories sont complexes, on peut les expliquer facilement. Et puis, en France il existe encore un gros tabou autour du handicap. Une meilleure connaissance permettrait un intérêt plus prononcé pour le sport. Évidemment, cela passe par l’éducation. C’est comme pour l’environnement, si les enfants y sont sensibilisés, il y aura un vrai changement de mentalité pour la suite.