Sucre Un pic de psychose ?
Les partisans de la « glucose révolution » prétendent que mesurer et limiter ses pointes de glycémie est bénéfique pour la santé. Prudence
Diminuer les fringales, la fatigue voire les inflammations… Mesurer et réduire ses pics de glycémie provoquerait des miracles, selon les adeptes de la « glucose révolution », d’après la méthode et le livre de Jessie Inchauspé Faites votre glucose révolution, paru en 2022. Dans Sucre, l’ennemi public numéro 1, Réginald Allouche souhaite que tous les Français, même ceux en bonne santé, se testent plus ou moins régulièrement en utilisant des capteurs de glycémie, afin d’éviter une « épidémie de diabète qui a déjà commencé».
Les adeptes de cette « révolution », très présents sur Instagram, TikTok et YouTube, ne se contentent pas de réduire leur apport en sucre, mais suivent un régime beaucoup plus précis se basant sur plusieurs règles. Ne jamais manger un produit sucré seul mais l’accompagner de fibres et de protéines. Toujours les ingérer dans le bon ordre : d’abord les fibres, puis les protéines, ensuite les graisses, les féculents et les sucres (bonjour le plaisir).
Enfin : prendre des petits-déjeuners et des snacks salés et privilégier un dessert en fin de repas plutôt qu’un goûter sucré. « Quand un produit à index glycémique (IG) élevé est ingéré, comme les pâtes et le riz blanc, l’organisme réagit en fabriquant de l’insuline via le pancréas », explique Corinne Chicheportiche Ayache, nutritionniste. L’insuline ayant pour fonction de réduire le taux de glycémie, « plus un produit a un IG élevé, plus la réaction insulinique sera intense, entraînant ensuite une hypoglycémie brutale. » Pour ceux qui ont de la mémoire, cela faisait partie de nos cours de SVT au lycée. Et cela aurait une incidence sur la survenue des fameuses fringales. « Le pic de glycémie est ralenti quand les glucides sont mélangés avec des lipides », ajoute Jean-Pierre Riveline, diabétologue et endocrinologue à l’hôpital Lariboisière, à Paris.
« Testez-vous tous les cinq ans »
Les médecins sont unanimes pour dire que les personnes diabétiques doivent être vigilantes à ces courbes. « Testezvous tous les cinq ans, quel que soit votre âge et votre état de santé », harangue Réginald Allouche. Le médecin préconise d’avoir recours à un régime alimentaire spécifique pendant quatorze jours.« Il y a des hommes de 35 ans qui vont très bien, mais qui sont trop sédentaires et qui, en mangeant une pizza par exemple, vont monter très haut en glycémie, assure-til. Cela veut dire que le pancréas produit de plus en plus d’insuline et se fatigue, jusqu’au jour où il n’en fera plus assez. » Selon lui, quand ces personnes verront leurs courbes, elles ne se comporteront plus de la même façon, « et on peut donc éviter un diabète. » Sur le papier, pourquoi pas. Mais dans les faits, a-t-on des preuves ? Selon Jean-Pierre Riveline, les capteurs sont des outils « aux vertus éducatives fantastiques » pour les personnes diabétiques. Et seulement pour elles. « Aucune étude scientifique ne montre que cela évite le développement d’un diabète, note le diabétologue. Pour le prouver, il faudrait mettre un capteur à des sujets à risques et pas à d’autres et voir au bout de cinq ans si ceux en ayant eu un ont eu moins de diabète. » Laurent Chevallier, médecin nutritionniste, est plus cash : « ces appareils ne servent strictement à rien chez les personnes en bonne santé. On ne va pas créer des psychoses. »
Pour les personnes ne présentant aucun signe avant-coureur de diabète, l’intérêt des capteurs paraît donc faible. Certes, l’apport de sucre rapide augmente le risque de diabète, mais principalement chez les patients ayant un terrain prédisposé, insiste l’endocrinologue Jean-Pierre Riveline. Ainsi, une personne qui n’est pas malade, mais a des facteurs de risque comme des antécédents familiaux, une obésité ou une femme qui a déjà fait un diabète pendant sa grossesse, présentent, selon le médecin, un très haut risque de développer un diabète. « Le fait de limiter les sucres rapides diminue ce risque. » Pour ces patients, il existe des techniques pour mesurer leur taux de glycémie. Corinne Chicheportiche Ayache conseille « un suivi médical régulier, avec des bilans biologiques intégrant la glycémie à jeun, l’HbA1c [qui donne une idée de l’équilibre glycémique sur les trois derniers mois] et les index reflétant l’insulino-résistance.»
« Les capteurs sont des outils aux vertus éducatives fantastiques pour les personnes diabétiques.» Jean-Pierre Riveline, diabétologue et endocrinologue